L’inconnue du 17 mars – Didier Van Cauwelaert
Je suis désolée de ce que je vous inflige, en ce moment. Mais il fallait que la planète ferme pour que les cœurs s’ouvrent.
Paris – Premier jour du confinement, Lucien, sans domicile fixe, observe le nouveau rituel de son quotidien :
Le mardi matin, une animation frénétique et plombante a envahi mon territoire. Les derniers feux de la liberté. Des centaines de fourmis couraient dévaliser les commerces encore ouverts pour se préparer au siège, pouvoir effectuer en toute sérénité la métamorphose légale qui ferait d’elles des fourmis en vase clos. Deux ou trois habitués continuaient de me jeter des pièces, mais à une telle distance qu’elles tombaient à côté de la casquette, renversant fréquemment mon panonceau qui remerciait en cinq langues – incluant le latin, par pure provocation. Il faisait un beau soleil et je me préparais au confinement en mode bronzette.
Oui mais voilà, Lucien se rend très vite compte que le mode bronzette ne va pas être possible, autour de lui, la police commence à contrôler la température de ses voisins de paliers.
Il prend ses jambes à son cou et une voiture le renverse.
Au volant sa première petite amie, Audrey. Elle l’emmène dans leur maison d’enfance et lui annonce qu’elle est à l’origine de la pandémie.
Didier Van Cauwelaert, comme souvent, ajoute du mystère au cœur d’une situation des plus concrètes. Et c’est ce mélange des deux qui font aujourd’hui son talent de romancier.
Je conseille souvent cet auteur aux lecteurs (prix Goncourt en 1994 pour son roman un aller simple, une très belle histoire) car sous couvert d’histoires simples, souvent humoristiques, il arrive à pointer du doigt les travers d’un personnage, d’un milieu, d’une société.
Et là, il se lâche ! Il caricature à l’extrême et on y retrouve beaucoup de choses que nous avons entendues, chacun chez nous confinés, tout y passe : complotisme, charlatanisme … Et j’ai ri ! Rire de cette période “hors du temps” fait beaucoup de bien. Au-delà de l’humour il est clair, pour moi, que l’auteur fait aussi passer son message engagé qui peut contrarier.
Par ailleurs, je serai tentée aussi de décrire ce roman comme une fable écologique :
- Je te l’ai dit ; c’est moi qui ai déclenché exprès, pour le bien de l’humanité, une pandémie géante, mais relativement bénigne. Une pandémie spectacle. Une pandémie témoin. La bande-annonce de ce qui vous pend au nez puissance mille, la prochaine fois, si vous ne changez pas radicalement votre façon de traiter la planète.
Un moment de lecture agréable avec “plusieurs lectures ”.
Julie D. Bibliothécaire
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L'inconnue du 17 mars
Didier Van Cauwelaert
Albin Michel 2020