Le cri du peuple. Jacques Tardi

"J’ai voulu embarquer le lecteur dans le dédale des rues du 18 mars 1871 et le faire circuler dans un Paris mystérieux comme celui de Victor Hugo. Qu’il côtoie le petit peuple, les apaches du canal de l’Ourcq aussi commodément que les banquiers ou les restaurateurs."

Jean Vautrin

Le cri du peuple est une série BD en quatre volumes de Jacques Tardi, sortis entre 2001 et 2004. Elle est adaptée du roman éponyme de Jean Vautrin. Son nom est tiré du quotidien éphémère créé par Jules Vallès, le journal le plus lu lors des évènements, tiré à 100 000 exemplaires.

Le cri du peuple est une œuvre qui illustre une période courte et noire de l’histoire de France. Une épopée rouge sang racontée en noir et blanc.

18 mars 1871, la guerre est perdue face aux Prussiens. Le peuple se révolte contre le gouvernement d’Adolphe Thiers. Des soldats sont envoyés sur la butte Montmartre mais ils fraternisent avec les insurgés. 

28 mars, la Commune est déclarée, elle durera 72 jours et se terminera dans un bain de sang au mur des Fédérés.

C’est une époque absolument fulgurante. En deux mois et demi, c’est une torche qui s’illumine et qui s’éteint, une utopie révolutionnaire qui prend naissance chez les gens du peuple et qui renvoie le pouvoir brusquement aux oubliettes. La transformation de Paris par le baron Haussmann a amené une gentrification des quartiers parisiens couplé à la chute du second empire, l’expérience politique singulière est en marche.

A la manière des feuilletons du 19e siècle, les auteurs déroulent l’histoire comme un polar. Les évènements servent de toiles de fonds, avec meurtres et mystères, du lyrisme et surtout le peuple de Paris. Dès l’ouverture, le ton est donné, au bord de la Seine, le pont de l’Alma en fond. Un officier venu récupérer les canons de la butte Montmartre converse avec un commissaire chargé de résoudre une affaire. La scène nous plonge rapidement dans les raisons de la révolte.

-La troupe n’a plus le moral. A Belleville, les effectifs logés chez l’habitant tournent révolutionnaire, ils fraternisent, ils garibaldisent !

-Ils ont tort.

-Ils ont faim.

Au fil d’une double intrigue relevant d’une vengeance personnelle et d’une quête amoureuse, les protagonistes naviguent entre les tirs des troupes versaillaises et l’édification des barricades, en faisant le coup de poing dans les cabarets ou en soutirant des informations aux mouchards. Plus de 150 personnages de toutes les strates de la société parisienne nous immergent dans le quotidien de la capitale. On croise ainsi Louise Michel, Gustave Courbet ou bien Jules Vallès. 

Pour illustrer le roman de Vautrin, Jacques Tardi a travaillé 3 ans, étudié des centaines de documents au détail près.

Tardi est en effet attaché au dessin d’observation. Il sait recréer une époque grâce à une myriade de détails. Les planches fonctionnent très bien avec le texte de Vautrin.

Tardi utilise ici un format à l’italienne qui permet de mettre formidablement en avant ses planches et donne un rythme de lecture plus rapide. 

Le cri du peuple est une œuvre intense. Il est toutefois est appréciable de connaitre un peu cette époque pour mieux l’appréhender.

Frédéric E. Bibliothécaire

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