Assimilation, la fin du modèle français par Michèle TRIBALAT

Assimiler :« Rendre semblable au reste de la communauté ».


Assimilation : « Action d’assimiler des hommes, des peuples ; processus par lequel ces hommes, ces peuples, s’assimilent ». (Petit Robert, édition 1990).



L’apport des études démographiques


Il est peu de dire que la démographie est une science ingrate ! Non seulement il y est question de chiffres, mais son objet même est sujet à toutes les controverses et manipulations possibles et imaginables. Il suffit de comparer quelques ouvrages pourtant bien documentés sur la question pour se donner des sueurs froides à bon compte, tellement les conclusions des auteurs peuvent se contredire totalement.


Entre ceux qui estiment que la France est en panne démographique et en butte à un grand remplacement imminent ; et ceux qui assurent que le renouvellement de la population est assuré et que l’immigration devrait au contraire être accélérée, il est certes difficile de s’y retrouver !


C’est pourquoi l’expérience d’une spécialiste telle que Michèle TRIBALAT, forte de 40 ans de travail sur les questions démographiques et migratoires, est aussi précieuse. Dans son ouvrage, elle s’efforce de rétablir un certain nombre de faits, en évitant l’écueil du déni tout comme celui de la surenchère catastrophiste.


La voie est étroite, et elle y parvient avec maestria. Si Assimilation… comporte bien des passages austères, l’auteur parvient toutefois à éviter d’infliger un pensum à son lecteur. Plus important, et c’est sans doute au fond ce qui lui a valu d’être l’objet de solides controverses, elle sait mettre la question migratoire en perspective avec intelligence.



Une question rarement posée


Car, depuis plusieurs années, cette question migratoire est de retour sur le devant de la scène et suscite un débat de société tout à fait légitime. Il n’en est pas moins surprenant que celle de l’assimilation ne se pose presque jamais en tant que telle. Elle est pourtant cruciale.


Car si le volume total d’individus d’origine étrangère est bien évidemment de première importance (on n’absorbe pas 1000 ou 1 million de personnes de la même manière), d’autres éléments sont à prendre en ligne de compte, comme la capacité d’assimilation du pays d’accueil, ou symétriquement la volonté d’assimilation des populations d’origine étrangère. 


Assimilation. Le mot lui-même est désormais peu usité.
On lui préfère le terme              « intégration », qui est moins exigeant. Or, la politique qui fut menée en France jusqu’aux années 60 était très clairement et explicitement assimilationniste. Ce, parfois jusqu’à l’extrême, si l’on songe à certaines dérives d’enfants originaires des DOM-TOM, autoritairement placés en métropole dans des familles européennes.


En tout état de cause, l’assimilation est bel et bien une spécificité française. Elle fut forgée par des siècles d’aspiration asymptotique à l’unité, jamais tout à fait assouvie, dans le contexte d’un pays sans cesse guetté par le spectre de la guerre civile. Elle participe d’une mystique dans laquelle chaque nouvel arrivant intègre une communauté nationale de citoyens égaux, où chaque individu demeure libre de croire et de penser ce qu’il souhaite, à la condition qu’il s’inscrive pleinement dans cette communauté nationale.


Les yeux grands fermés


C’est la rupture avec cette tradition assimilationniste, d’autant plus complète qu’elle est non avouée et non assumée, qui inquiète en fait Michèle TRIBALAT. Elle pose bien la difficulté, évoquée par d’autres auteurs comme Christopher CALDWELL, Malika SOREL ou encore Stephen SMITH, que représente la présence sur le sol métropolitain de millions de ressortissants français d’origine extra-européenne.


Pourtant, sans le moins du monde la négliger, elle ne la dramatise pas outre mesure. C’est que selon elle LE problème principal qui se pose est que nous avons abandonné quasiment tous les leviers permettant d’intégrer cette population à la communauté de citoyens que nous évoquions plus haut. C’est ce blocage qui nous met collectivement en danger, à au moins deux niveaux.


Renoncer à une politique d’assimilation explicite dessert en réalité les populations arrivantes.
Les règles du jeu ne sont de fait pas claires pour elles, puisqu’elles sont invitées à s’intégrer, mais en demeurant elles-mêmes. Cette contradiction est dangereuse en ce qu’elle laisse les migrants et leurs descendants dans un flou complet sur ce qui est attendu d’eux.


Mais ce n’est peut-être pas le pire. Car au-delà de cet aspect matériel, c’est toute l’idée de ce qu’est une nation qui en vient à s’effilocher. Une nation est constituée d’un peuple vivant dans un territoire délimité et dirigé par un Etat. Dans le cas particulier de la France, constituée à la force du poignet par huit siècles de pouvoir monarchique puis républicain contre toutes les forces centrifuges qui la divisaient, un affaiblissement du fait national ne peut à terme que susciter des catastrophes.


L’actualité américaine et européenne prouve que la question migratoire entre en résonance avec l’ensemble des problématiques politiques. Au total, demeure une interrogation-clef : que voulons-nous être ? De la réponse à cette question dépend une grande partie de notre avenir.


Bruno B. Bibliothécaire


Assimilation, la fin du modèle français
Michèle Tribalat 

L'Artilleur, 2017

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