Le printemps des Zozios
Invité à lire en public à la bibliothèque du Carré d’Art le 2 mars, Jacques Demarcq signait en 2008 un livre-somme dont le fil conducteur était les oiseaux. Contre «l’anthropocentrisme régnangnant».
L’essayiste Marielle Macé [1] rappelait tout dernièrement dans la revue Critique l’importance de la préoccupation écologique dans la poésie . C’est que l’attention aux êtres qui ne peuvent donner de la voix comme les humains (fantômes, animaux…) est une des premières préoccupations des poètes. Et au sein du règne animal, c’est sans doute la gent volatile qui se taille la part du lion dans le répertoire poétique classique et contemporain.
Parmi les auteurs qui ont déclaré leur flamme aux oiseaux, Jacques Demarcq fait figure de maître. Dans son livre Les Zozios, publié en 2008 aux éditions Nous, il consacre plus de trois cents pages distribuées en sept sections à la thématique ornithologique vue à travers le prisme poétique. Un ensemble de textes très divers par leur nature, bien souvent drôles, très subtils, tant sur la forme que sur le fond, parfois très expérimentaux et parfois tout à fait classiques. En adversaire du pathos et des bons sentiments littéraires, Jacques Demarcq s’amuse, blague et se délecte d’écrire, ce qui se sent à chaque ligne.
Comme souvent quand il s’agit de poésie, il ne faut pas voir en ce livre un ensemble totalement rationnalisé et immédiatement compréhensible. Jacques Demarcq essaie de parler un langage autre que celui que nous utilisons dans notre quotidien utilitaire. En cherchant «un échappatoire à l’anthropocentrisme régnangnant», il tente de traduire en humain la langue des oiseaux, attiré par « la légèreté de leur intelligence face aux événements, leur refus de croire au ciel qu’ils connaissent trop, et ce manque d’entêtement qui les fait ne pas tenir en place, en page, en cage… » (quatrième de couverture du livre). Bien vite, derrière les jeux de mots à tiroirs et les figures de style vertigineuses de finesse, c’est une préoccupation hautement éthique et grave qui se dessine dans Les Zozios.
A noter que si on veut entrer dans ce livre un peu impressionnant au premier abord, on peut passer par le CD qui l’accompagne, où l’on entend parler oiseau par toute une bande d’amis de l’auteur.
Jacques Demarcq
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Jacques Demarcq, Les Zozios, Nous, 2008
[1] Marielle
macé, « Comment les oiseaux se sont tus », Critique, 860-861, 2019
Guillaume B. , Bibliothécaire
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