Bruce Lee, La fureur du dragon
Lorsque La fureur du dragon sort à Hong Kong fin 1972, Bruce LEE est d’ores et déjà l’artiste martial chinois le plus connu au monde. Auréolé du succès mondial de Big Boss (1971) et de La fureur de vaincre (début 1972), le jeune acteur est encensé à la fois dans le monde asiatique et dans les pays occidentaux. Grâce à cette popularité, Bruce LEE pourra, pour la première fois, se lancer dans la réalisation…
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Il était une fois Bruce LEE…
Disons-le tout net : Bruce LEE n’a jamais été, ni un
grand acteur, ni un grand réalisateur. Ses scènes de comédie font autant
sourire par ses maladresses que par les situations qu’il met en scène. Et s’il
s’avéra être un technicien compétent, nul n’a jamais vu en lui le digne successeur
d’Orson WELLES. Non, ce que Bruce LEE proposait à l’admiration de millions de
fans en délire à travers le monde n’était rien d’autre que…Bruce LEE !
Ce qui intéressait le plus ce dernier, c’étaient les arts
martiaux et leur diffusion. Adepte reconnu
de kung-fu, la boxe chinoise, il cherchait avant tout à développer et faire
connaître cette discipline en se mettant en scène.
Lui-même, dans le cadre de son expérience de professeur
d’arts martiaux aux Etats-Unis, en avait créé une variante, le Jeet Kune Do, basée sur l’agilité et la
capacité d’adaptation. Ayant vécu aussi bien à Hong Kong qu’aux Etats-Unis, il
avait également à cœur de représenter un trait d’union entre monde chinois et
occidental. D’où le choix, une fois seul maître à bord d’un film, de situer ce
dernier à Rome.
Il était une fois en Italie…
En effet, l’ambition de Bruce LEE était double.
D’une part de toucher
plus profondément le public occidental en lui présentant un cadre plus
familier que les univers asiatiques de ses premiers films. Certes, quelques
films chinois commençaient à faire leur apparition dans les salles occidentales
(Les griffes de jade, L’hirondelle d’or, etc…), mais restaient très rares. Qui
plus est, films de cape et d’épée typiquement chinois pour la plupart, s’avéraient
un peu déroutants pour les étrangers.
Mais il souhaitait aussi et surtout rompre avec l’image que ses premiers films avaient forgée de lui. Big
Boss et La fureur de vaincre avaient ainsi été réalisés à l’époque où régnait
en maître du cinéma d’action le brillant Chang CHEH (Vengeance, La rage du
tigre), adapte d’un cinéma violent, nihiliste et ultra-virilisé. De fait, les
personnages incarnés par LEE au début de sa carrière étaient des quasi-psychopathes
que distinguaient seulement leurs extraordinaires aptitudes martiales.
Bruce LEE, désireux d’adoucir son image, préalable
indispensable à une meilleure réception de ses préceptes martiaux, incarna à
partir de La fureur du dragon des personnages plus positifs, des sortes de grands frères courageux prêts à aider
les leurs.
Et c’est précisément ce qu’il incarne dans ce film : un
redoutable artiste martial chinois, appelé à la rescousse par sa famille
propriétaire d’un restaurant à Rome, en butte à la mafia locale.
Il était une fois le Jeet Kune Do…
Le jeune boxeur, malgré une maladresse sociale assez
hors norme (ressort comique que reprit souvent à son compte Jackie CHAN dans le
cinéma de Hong Kong), s’avérera être une véritable machine de guerre, capable à
lui seul de mettre sur la défensive tout un réseau mafieux. C’est au cours de
ces scènes de combat qu’éclate le
véritable talent de Bruce LEE, à savoir se mettre en scène, dans tous les
sens de l’expression.
D’abord par sa seule présence physique. Bel homme, sachant
instinctivement comme se placer par rapport à une caméra, il s’ingéniait à
montrer le plus possible son physique d’athlète. Contrairement à certains
culturistes des années 50 et 60, sa forme physique était non seulement la
résultante d’un entraînement physique acharné, mais également d’une philosophie de la vie reposant sur un
permanent dépassement de soi.
D’où le résultat que même ses pires contempteurs ne surent
jamais lui nier : une présence
physique inouïe, qui relègue instantanément au second plan tous les autres
acteurs en train de tourner avec lui. Voir Bruce LEE en action, c’est voir se
déchaîner une force primordiale du genre typhon, tremblement de terre ou pluie
de météorites. On peut à la rigueur limiter la casse, mais en aucun cas empêcher
que ça vous tombe dessus !
Il était une fois la légende…
Malgré ses défauts, La fureur du dragon remporta un succès
mondial. Outre l’effet logique de la « bruceleemania » déjà en cours,
le fait est que, en plus d’une ambiance jouissive de bout de bout, le film
avait de solides arguments en termes de scènes d’arts martiaux. Une mention
spéciale à la scène finale, dans
laquelle Bruce LEE affronte Chuck NORRIS dans l’enceinte du Colisée.
Sans conteste aucune un morceau de bravoure admirable de
maîtrise et de sobriété, cette dernière présentait un affrontement de 10
minutes pleines montre en main, sans aucun dialogue, dans lequel deux maîtres
en pleine possession de leurs moyens se battaient à la loyale jusqu’à la mort.
Encore plus que le carnage au sein du dojo dans La fureur de vaincre, ou le
duel contre Kareem Abdul JABBAR dans l’inachevé Jeu de la mort, il s’agit
probablement de LA scène qui résumait au
mieux la philosophie martiale de Bruce LEE.
Décédé brutalement en juillet 1973 en plein travail sur Le
jeu de la mort, Bruce LEE n’aura en somme laissé qu’un héritage bien
mince : 4 films dans lequel il tenait la tête d’affiche, et un projet
inachevé. Au total, sur l’ensemble des films menés à leur terme, il n’aura été maître à bord que pour le
seul et unique Fureur du dragon.
Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Avant tout une présence, une énergie et un optimiste
extraordinaires. L’idée que, face aux défis de l’existence, seuls comptent
la ténacité, l’entraînement et la capacité d’adaptation. Les personnages
incarnés par LEE ne parviennent pas à vaincre leurs ennemis parce qu’ils sont
plus forts qu’eux, mais, fondamentalement, et je crois que c’est un point
crucial qu’on n’a pas assez souligné, parce qu’ils sont plus intelligents
qu’eux.
Glorifier la victoire
de la réflexion sur la force brute, qui plus est par l’entremise de films
d’action incroyablement tonifiants, voici comment on pourrait résumer la
démarche de Bruce LEE. Franchement on a connu pire, non ?!!
Bruno B.
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