Les impatientes

Un roman publié aux éditions Emmanuelle Collas, sélectionné par l’Académie Goncourt, c’est plutôt inattendu…


“Dieu aime les personnes patientes , dit mon père”
Djaïli Amadou Amal, encore parmi les quatre derniers auteurs en lice pour le Prix Goncourt 2020 livre, ici, un roman d’une grande puissance.
 
Ramla, jeune femme de 17 ans, commence ce récit implacable du destin fait aux femmes camerounaises encore aujourd’hui.

Je préfère citer l’auteur qui vous détaille, très clairement, par un des préceptes qu’on lui a longuement répété, ce fameux Destin promis :





Je dois soumission à mon époux !
Je dois épargner mon esprit de la diversion !
Je dois être son esclave afin qu’il me soit captif !
Je dois être sa terre afin qu’il soit mon ciel !
Je dois être son champ afin qu’il soit ma pluie !
Je dois être son lit afin qu’il soit ma case ! 

extrait P.79

Une trentaine de pages avalées et déjà Ramla s’efface pour laisser la parole à son amie, Hindou, mariée elle aussi, de force, le même jour, à un homme violent, par la volonté des hommes et des traditions sous prétextes religieux.

Quelques heures plus tard, je n’ai plus de force pour crier ni de larmes à verser. Le silence règne dans la chambre. J’ai tellement crié, tellement pleuré et supplié que je n’ai plus de voix. Je me ramasse sur le lit, meurtrie le corps couvert d’ecchymoses et d’hématomes. Je saigne tellement que le lit en est trempé.

extrait P.93

Nous retrouverons ensuite Ramla mais par la voix de la première épouse de son mari, Safira.
Sa colère explose, il lui restait juste l’orgueil de n’être pas partagée, elle, qui contentait tellement bien son mari depuis 20 ans, qu’il n’avait jamais souhaité de polygamie. Oui mais voilà Ramla, est là, et elle lui prend, malgré elle, le peu d’estime qui lui restait. 

La violence de ce monde, de ces femmes blessées ,Djaïli Amadou Amal nous plonge dedans, sans fioritures. 

D’une écriture qui semble si simple car tellement la lecture en est aisée, elle nous prend à témoins, et nous sommes là, spectateurs. C’est une grande qualité littéraire d’immerger ainsi son lecteur au cœur du récit, la finesse des grands écrivains...

Vraiment, un roman important, d’une jeune femme francophone, conteuse, témoin de son époque, et oui !

Pour finir ce cri lucide d’Hindou avant qu’elle ne plonge dans la folie du désespoir : 

Je ne veux plus patienter, criai-je, éclatant en sanglots. J’en ai assez. Je suis fatiguée d’endurer, j’ai essayé de supporter mais ce n’est plus possible. Je ne veux plus entendre patience encore. Ne me dites plus jamais munyal ! Plus jamais ce mot ! 

extrait P 139. 


Julie D. Bibliothécaire  

Les impatientes - Djaïli Amadou Amal - 2020


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