CASUS BELLI

Oui, je sais bien qu’en latin “casus belli” signifie « cause de guerre » ! Mais rassurez-vous, ça ne signifie en rien que les bibliothèques de Nîmes viennent de vous la déclarer, la guerre (sauf si vous nous devez tout plein de documents pour tout plein d’argent depuis très longtemps, auquel cas je ne vous cache pas que là vous avez un problème) ! En fait, « Casus Belli » est le titre de la plus ancienne revue de jeux de rôle sur table de France, à l’histoire pleine de bruit et de fureur !



Un peu d’histoire, donc !


L’affaire remonte à 1980, époque de la sortie de la première version du titre, celle qui a accompagné le développement du jeu de rôle en France et n’a pas peu contribué à son audience. A l’origine, le titre n’est pas grand-chose d’autre qu’un fanzine de plus dédié aux jeux de simulation au sens large, et plus particulièrement aux wargames qui avaient le vent en poupe en Europe à cette époque. Un petit titre généraliste donc, qui s’intéressait au jeu de manière globale, avant toutefois de rapidement se spécialiser dans le jeu de rôle.


Un petit rappel sémantique s’impose peut-être. Si le terme « Role Playing Game » évoque les jeux de rôle informatiques, les jeux de rôle que nous évoquerons dans le cadre de cet article sont bien les jeux de rôle sur table. Cette activité est à la jonction entre le jeu de société classique et le théâtre d’improvisation. En règle générale, un groupe de joueurs se réunit autour d’une table, chaque joueur incarnant un personnage dans un univers donné, l’un des joueurs (appelé Meneur de Jeu le plus souvent) étant chargé de faire vivre l’histoire et l’environnement dans lequel évoluent des personnages joués par les autres participants. 




Le premier véritable jeu de rôle, le plus important et le plus populaire de tous encore de nos jours, fut Dungeons&Dragons, né aux Etats-Unis en 1974. La création de « Casus Belli » coïncida par conséquent avec la montée en puissance d’un type de jeu totalement innovant pour l’époque, qui allait connaître un énorme succès auprès des amateurs des années 1980. Toutefois, la revue subit bien des avanies au cours des trois décennies suivantes, disparaissant et renaissant de ses cendres à rien de moins que trois reprises.

Et maintenant ? 


L’actuelle version de cette revue existe depuis fin 2011, dans un format mook qui colle bien à l’air du temps, et avec un contenu d’une qualité jamais démentie depuis sa création. Pour être tout à fait clair, le public visé n’est plus tant la jeune génération que les quadragénaires nostalgiques de leur revue fétiche des années 80 et 90, au plus fort pouvoir d’achat. Les premiers numéros renouent d’ailleurs tout à fait explicitement avec cette époque, puisque non seulement certains des journalistes de l’époque dont de nouveau de la partie (Didier GUISERIX, l’ancien rédac’chef, en premier lieu), mais plusieurs rubriques fétiches de l’ancien Casus Belli ont été ressuscitées avec brio pour l’occasion. 


Faire renaître « Casus Belli » dans un contexte actuel de boom des jeux vidéo et de dématérialisation des loisirs était un acte courageux. Courageux, mais non inconscient, puisqu’après une éclipse depuis la fin des années 1990, le jeu de rôle sur table regagne une certaine audience, avec depuis quelques années une floraison d’ouverture de clubs ou de nouvelles boutiques spécialisées. Le phénomène n’a à tout prendre rien de surprenant. Aussi passionnants qu’ils puissent être, les jeux vidéo et autres MMORPG ne peuvent pas complètement se substituer à une activité qui est avant tout sociale. Et maints vendeurs en boutiques de jeux vidéo, touchés par la dématérialisation de ce loisir, reviennent à leurs premières amours, en créant des boutiques de jeux de société et de jeux de rôle, loisirs qui les avaient initiés à l’univers ludique dans leurs jeunes années…bouclant ainsi la boucle plusieurs décennies plus tard!


Ceci étant, il convient de savoir raison garder. Le jeu de rôle sur table, à l’exception peut-être des titres les plus importants, demeure un artisanat, alors que les jeux vidéo forment une industrie. Le jeu de rôle est en effet un loisir passionnant mais très exigeant. Il nécessite un minimum d’imagination, du temps, des locaux adaptés et surtout des amis prêts à s’investir autant que vous dans ce loisir ! S’il est toujours possible de jouer tout en ayant par ailleurs une vie professionnelle et familiale, l’honnêteté oblige à dire que c’est tout de même nettement plus difficile que pour, mettons, un étudiant.

La porte des mondes


Mais vous qui me lisez, si vous n’êtes pas rôliste (=joueur de jeu de rôle) à titre personnel et ne vous sentez pas de le devenir, jetez malgré tout un œil à cette revue ! En sus des rubriques purement destinées aux joueurs (conseils de jeu, scénarios…), elle propose une ouverture à des centaines de mondes. Les rubriques d’inspirations recensent les derniers titres en date au sein des littératures et bandes dessinées de l’imaginaire, parfois très peu connus (aviez-vous entendu parler de l’excellent manga semi-parodique « Gloutons et Dragons » ? Moi pas en tout cas !). Et surtout certaines rubriques proposent de véritables univers, dépourvus ou presque de données chiffrées susceptibles de rebuter le novice : terres  et villes imaginaires, dans des mondes passés, présents ou futuristes sont proposées, dans une débauche d’imagination qui laisse souvent admiratif. 


Car enfin ! Ne perdons pas de vue que toute une culture de l’imaginaire qui paraît à présent évidente émane de la culture rôliste ! Si les trilogies Matrix ou du Seigneur des anneaux, si des cycles romanesques comme Harry Potter ont fait connaître au grand public cette culture de l’imaginaire, cette dernière imprégnait en réalité les pratiquants de jeu de rôle depuis très longtemps déjà.

Et n’évoquons pas son influence sur les jeux vidéo, puisque des MMORPG aussi célèbres que World of Warcraft n’auraient jamais vu le jour sans lui ! Bref, s’il vous prend un jour l’envie de plonger des deux mains dans un titre qui s’est fait le héraut depuis presque 40 ans d’une certaine vision du monde ludique alors…PLONGEZ !!

Bruno B. Bibliothécaire

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