BIFROST
Une fois n’est pas coutume, nous allons aujourd’hui vous présenter, non pas un roman, un essai, un film ou un album, mais une revue. Ce qui, nous devons bien le confesser, n’arrive pas si souvent, l’exercice consistant à présenter une publication en son entier n’ayant rien d’évident…
Mais voilà ! La thématique du NOGA 2017 portant sur les Mondes Imaginaires s’y prêtait particulièrement bien, d’autant que le sous-titre de la revue BIFROST n’était autre que… « La revue des mondes imaginaires » !!
Difficile de trouver plus approprié !
Nous nous sommes donc lancés à l’assaut de l’arc-en-ciel divin !
Au centre du Multivers
BIFROST a fêté ses 20 bougies l’an passé, s’installant d’office comme LA revue spécialisée dans les mondes imaginaires, au sens le plus large. C’est l’exemple type d’une réussite sans trompettes ni tambours. BIFROST n’a jamais défrayé la chronique (ni n’a cherché à le faire, au demeurant) mais a creusé un peu plus son sillon à chaque nouveau numéro, tout en sachant se renouveler. A noter que son créateur, Olivier GIRARD, la dirige toujours au moment où je rédige ces lignes : un très bel exemple de continuité éditoriale, que l’on ne retrouve plus qu’exceptionnellement dans la presse contemporaine.
Il faut bien admettre qu’un simple coup d’œil sur ses sommaires a de quoi susciter le respect de tout amateur de mondes imaginaires. On y trouve en effet des dossiers fournis sur les plus grands noms du fantastique, de la science-fiction et de la fantasy. Par exemple, entre 2014 et 2017, furent à l’affiche : Stephen KING, JRR TOLKIEN, Ursula LE GUIN, Robert E HOWARD, Laurent KLOETZER, Jean RAY, Pierre PELOT et Neil GAIMAN ! Soit la fine fleur des écrivains des univers imaginaires, toutes époques et nationalités confondues.
Le chemin scintillant
Le titre est en lui-même un indicateur : Bifrost était, dans la mythologie scandinave, l’arc-en-ciel qui reliait le monde des Hommes à celui des Dieux. Lorsqu’on saura qu’étymologiquement « Bifrost » signifie « chemin scintillant », on pourra estimer que BIFROST, la revue, dispose d’un patronage plus qu’enthousiasmant !
Autant qu’un clin d’œil, ce titre est une véritable note d’intention. Il ne sera pas ici question de la littérature généraliste et réaliste. Ici nul HOUELLEBECQ dépressif, nulle Amélie NOTHOMB intellectualisante, en bref nulle place pour une radioscopie maniaque de nos misérables mœurs contemporaines ! On est dans les littératures de l’imaginaire, nourries à l’anticipation à la Jules Verne, aux pulps américains du début du XXème siècle, à la science-fiction asimovienne des années 50, tout un monde littéraire un peu à part et qui, de ce fait, méritait un traitement à part.
Au sein du Bazar du Bizarre
Si BIFROST se contentait de produire les remarquables dossiers plein jusqu’à la gueule d’informations sur les auteurs mis en avant, nous aurions déjà une revue de très haut niveau. Seulement, vous l’auriez compris, elle ne se contente pas de ça ! En sus des nouveautés chroniquées dans chaque numéro avec un vrai souci d’analyse (les critiques sont d’un niveau qui ridiculise celles de 90 % des autres publications), l’énorme point fort de BIFROST est de proposer des textes inédits. Et quand je dis « inédits », j’entends par-là de véritables premières mondiales : ainsi un des textes proposés dans le numéro 84 dédié à Robert E HOWARD n’avait jamais été publié, y compris aux Etats-Unis dont l’écrivain était pourtant originaire !
En d’autres termes, nous sommes en présence d’un très beau travail d’éditeur sur la durée, sachant conjuguer passion, rigueur et sens artistique. Ce qui ne signifie nullement que BIFROST ne soit pas travaillé par des controverses littéraires. Comme déterminer ce qui relève authentiquement des mondes imaginaires ? Ne doit-on pas distinguer la fantasy gorgée de magie des univers pseudo-réalistes de la hard science ? Présente-t-on prioritairement des « valeurs sûres » ou s’essaie-t-on plutôt à faire découvrir des auteurs plus obscurs ? C’est tout à l’honneur du comité de rédaction de la revue que d’être parvenu à conserver une ligne directrice cohérente tout en ne niant pas des débats inévitables au vu du caractère éclectique de son champ d’intervention.
Quarante-deux
Un esprit fort pourrait sans doute demander en quoi une revue serait encore indispensable de nos jours, alors que chacun peut trouver tout ce qu’il veut sur n’importe quoi en cherchant bien sur Internet. Après avoir purement et simplement désintégré à coups de blaster-mitrailleur lourd le dernier esprit fort m’ayant fait cette remarque (c’est brutal et inutile, mais ça défoule !), je rétorquerai ceci : en fait peu importe que BIFROST existe sous forme papier ou numérique, l’important c’est qu’une revue de ce type existe…tout court !
Pour l’avoir constaté dans certaines de ses activités personnelles, l’auteur de ses lignes a bien été obligé d’admettre que l’extraordinaire foisonnement d’Internet était bien entendu un outil de découverte irremplaçable, mais aussi, hélas ! un excellent moyen de demeurer bien à l’aise dans sa bulle. Je n’ai que trop vu des fans de tel ou tel moyen d’expression stagner dans sa zone de confort, sans chercher à jamais en sortir, pour ne pas chercher à promouvoir une revue dont le sérieux et l’ouverture d’esprit permettent à tous d’appréhender TOUTES les formes de littérature de l’imaginaire !
Le goût : en somme c’est juste de ça qu’il s’agit. Si l’on prend au sérieux un domaine donné, aussi mineur puisse-t-il paraître à ceux qui n’ont pas la même sensibilité que vous, il est indispensable de s’appuyer sur des publications qui savent concilier rigueur, sens artistique et ouverture universelle. Car ne nous y trompons pas : l’accès à l’universel se fait à partir du particulier, par une passion sincère mais raisonnée pour quelque chose. Frank FRAZZETA, un des plus grands peintres des mondes imaginaires, a su fort bien l’exprimer lors d’une de ses interviews : ce qui caractérise l’adulte véritable, quel que soit son âge et le domaine considéré, c’est sa capacité à faire preuve de goût.
BIFROST fait partie de ces rares publications qui contribuent à éduquer notre goût, avec constance et modestie. C’est pour cette raison qu’elle est aussi chère à notre cœur.
Bruno B. , Bibliothécaire.
Excellent article qui donne vraiment envie de découvrir cette revue.
RépondreSupprimerGreat shhare
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