« La vie privée de Sherlock Holmes », de Billy WILDER
Beau, drôle, raffiné, le film de Billy Wilder présente une adaptation personnelle du légendaire détective londonien.
Un film de de Billy WILDER
D'après l’œuvre de Arthur Conan Doyle
Une adaptation, qu’est-ce que c’est ?
Au fond, chaque article du BOL pose cette question, semaine après semaine. Et si les réponses apportées ne sont jamais tout à fait les mêmes, la raison réside sans doute dans le fait que le sujet est par essence inépuisable.
D’où le plaisir que l’on éprouve à évoquer aujourd’hui un film traversé par la notion d’adaptation : « La vie privée de Sherlock Holmes », de Billy Wilder.
A l’origine, il y a Sherlock Holmes, le célèbre détective inventé par Sir Arthur Conan Doyle en 1887. On ne le présente plus : il fait partie de ces quelques héros de fiction qui, à l’instar d’Arsène Lupin, Tarzan et quelques autres, finissent par échapper totalement à leur créateur initial pour s’inscrire dans l’imaginaire collectif.
Or, chose assez rare pour être signalée, c’est non seulement le personnage, mais aussi l’imaginaire qu’il représente, qu’interroge Billy Wilder.
Le film est présenté comme étant la relation par le Docteur Watson d’une aventure inédite de Sherlock Holmes. Le spectateur est donc censé voir l’adaptation cinématographique d’une aventure relatée (et romancée) par un écrivain…qui est lui-même imaginaire !
Le ton est donné dès le prologue du film. On nous montre par le menu l’exhumation, 50 ans après son décès, des affaires personnelles et des archives du Docteur Watson. Apparaît à l’écran toute une série d’objets dont l'aspect évoque immédiatement le personnage de Sherlock Holmes : pipe, loupe, casquette, etc... L'immersion est immédiate, et pourtant la mise en scène crée une distance : Sherlock Holmes, bien qu'apparemment avéré par des preuves matérielles, est au fond présenté comme un personnage de fiction, qui n'existe que par le décorum dont il s'entoure.
Tout le premier tiers du métrage creuse cette piste : lors d'une des premières scènes, Sherlock Holmes reproche au Dr Watson de présenter de lui une version profondément romancée, le grandissant de 8 cm, le présentant en crack du violon, et l'obligeant à porter sempiternellement le même duffle-coat (tel qu'il est représenté dans les gravures accompagnant les histoires du bon docteur!). Bref, il illustre par l'exemple le mot de T. E. Lawrence : « Toute célébrité repose sur une imposture ».
L'histoire tourne autour d'une ré-interprétation, et pour tout dire d'une démythification du personnage.
Car il faut bien reconnaître que le malheureux Sherlock Holmes en prend pour son grade! Héroïnomane, égocentrique, maniaco-dépressif, indifférent à la justice, ne s'intéressant à une affaire que si elle présente pour lui un défi intellectuel, le détective n'est pas précisément présenté sous un jour flatteur. Comme il le dit d'ailleurs lui-même : « J''espère bien que cette affaire ne sera jamais relatée. Je n'y ai pas particulièrement brillé... ».
« La vie privée de Sherlock Holmes » fait donc partie de ces films qui, à la jonction des années 60 et 70, dynamitèrent joyeusement toutes les icônes de ce qui demeurait de la vieille Angleterre victorienne. A commencer par la reine Victoria elle-même, présentée comme tout à fait ridicule (mais aussi comme étant en définitive le personnage le plus digne d'une galerie d'affreux jojos!).
Même en faisant abstraction de cette brillante mise en abyme, le film est un vrai délice.
La réalisation est d’une élégance et d’une fluidité que l’on ne retrouve que chez les réalisateurs passés maîtres de leur art, et encore ! quand ils sont en pleine possession de leurs moyens. C’est de toute évidence le cas de Wilder, que l’on sent très à l’aise sur ce sujet, et qui parvient à susciter une authentique jubilation.
Mais la qualité la plus évidente de « La vie privée de Sherlock Holmes » n’est pourtant pas là.
Car si le propos général est au fond plutôt sombre, le film n’en arrive pas moins à être avant tout terriblement, irrésistiblement DRÔLE !
Les dialogues sont magnifiques, les situations absurdes (le monstre du loch Ness!) et les personnages délirants. C’est un spectacle réjouissant de bout en bout, porté par l’abattage d’interprètes qui semblent rivaliser dans le second degré, à commencer par un Christopher Lee magnifique dans un rôle à contre-emploi complet.
Dans le registre humoristique, certaines scènes atteignent des sommets : je pense en particulier à la scène des ballets russes (et à la petite explication qui lui succède !), que je tiens à titre personnel pour un des plus grands moments de délire nonsensique de toute l’histoire du cinéma. Même en faisant abstraction du reste du film, de grâce, ne vous privez pas de ce plaisir!
Et lorsque la dernière image du film aura disparu, montrant le Dr Watson en train de rédiger l'histoire que nous venons de voir, peu importera que ce n'ait été qu'une histoire, et peu importera que Sherlock Holmes s'y soit montré lamentable.
Non, ça n'aura aucune importance, car un personnage comme le sien est immortel. Comme il est dit dans « L'homme qui tua Liberty Valance » : « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende... ».
Bruno
Un film de de Billy WILDER
D'après l’œuvre de Arthur Conan Doyle
Une adaptation, qu’est-ce que c’est ?
Au fond, chaque article du BOL pose cette question, semaine après semaine. Et si les réponses apportées ne sont jamais tout à fait les mêmes, la raison réside sans doute dans le fait que le sujet est par essence inépuisable.
D’où le plaisir que l’on éprouve à évoquer aujourd’hui un film traversé par la notion d’adaptation : « La vie privée de Sherlock Holmes », de Billy Wilder.
A l’origine, il y a Sherlock Holmes, le célèbre détective inventé par Sir Arthur Conan Doyle en 1887. On ne le présente plus : il fait partie de ces quelques héros de fiction qui, à l’instar d’Arsène Lupin, Tarzan et quelques autres, finissent par échapper totalement à leur créateur initial pour s’inscrire dans l’imaginaire collectif.
Or, chose assez rare pour être signalée, c’est non seulement le personnage, mais aussi l’imaginaire qu’il représente, qu’interroge Billy Wilder.
Une enquête inédite de Sherlock Holmes...
Le film est présenté comme étant la relation par le Docteur Watson d’une aventure inédite de Sherlock Holmes. Le spectateur est donc censé voir l’adaptation cinématographique d’une aventure relatée (et romancée) par un écrivain…qui est lui-même imaginaire !
Le ton est donné dès le prologue du film. On nous montre par le menu l’exhumation, 50 ans après son décès, des affaires personnelles et des archives du Docteur Watson. Apparaît à l’écran toute une série d’objets dont l'aspect évoque immédiatement le personnage de Sherlock Holmes : pipe, loupe, casquette, etc... L'immersion est immédiate, et pourtant la mise en scène crée une distance : Sherlock Holmes, bien qu'apparemment avéré par des preuves matérielles, est au fond présenté comme un personnage de fiction, qui n'existe que par le décorum dont il s'entoure.
Tout le premier tiers du métrage creuse cette piste : lors d'une des premières scènes, Sherlock Holmes reproche au Dr Watson de présenter de lui une version profondément romancée, le grandissant de 8 cm, le présentant en crack du violon, et l'obligeant à porter sempiternellement le même duffle-coat (tel qu'il est représenté dans les gravures accompagnant les histoires du bon docteur!). Bref, il illustre par l'exemple le mot de T. E. Lawrence : « Toute célébrité repose sur une imposture ».
Sherlock Holmes reloaded
L'histoire tourne autour d'une ré-interprétation, et pour tout dire d'une démythification du personnage.
Car il faut bien reconnaître que le malheureux Sherlock Holmes en prend pour son grade! Héroïnomane, égocentrique, maniaco-dépressif, indifférent à la justice, ne s'intéressant à une affaire que si elle présente pour lui un défi intellectuel, le détective n'est pas précisément présenté sous un jour flatteur. Comme il le dit d'ailleurs lui-même : « J''espère bien que cette affaire ne sera jamais relatée. Je n'y ai pas particulièrement brillé... ».
« La vie privée de Sherlock Holmes » fait donc partie de ces films qui, à la jonction des années 60 et 70, dynamitèrent joyeusement toutes les icônes de ce qui demeurait de la vieille Angleterre victorienne. A commencer par la reine Victoria elle-même, présentée comme tout à fait ridicule (mais aussi comme étant en définitive le personnage le plus digne d'une galerie d'affreux jojos!).
Même en faisant abstraction de cette brillante mise en abyme, le film est un vrai délice.
La réalisation est d’une élégance et d’une fluidité que l’on ne retrouve que chez les réalisateurs passés maîtres de leur art, et encore ! quand ils sont en pleine possession de leurs moyens. C’est de toute évidence le cas de Wilder, que l’on sent très à l’aise sur ce sujet, et qui parvient à susciter une authentique jubilation.
Sherlock Holmes versus Nessie!
Mais la qualité la plus évidente de « La vie privée de Sherlock Holmes » n’est pourtant pas là.
Car si le propos général est au fond plutôt sombre, le film n’en arrive pas moins à être avant tout terriblement, irrésistiblement DRÔLE !
Les dialogues sont magnifiques, les situations absurdes (le monstre du loch Ness!) et les personnages délirants. C’est un spectacle réjouissant de bout en bout, porté par l’abattage d’interprètes qui semblent rivaliser dans le second degré, à commencer par un Christopher Lee magnifique dans un rôle à contre-emploi complet.
Dans le registre humoristique, certaines scènes atteignent des sommets : je pense en particulier à la scène des ballets russes (et à la petite explication qui lui succède !), que je tiens à titre personnel pour un des plus grands moments de délire nonsensique de toute l’histoire du cinéma. Même en faisant abstraction du reste du film, de grâce, ne vous privez pas de ce plaisir!
Et lorsque la dernière image du film aura disparu, montrant le Dr Watson en train de rédiger l'histoire que nous venons de voir, peu importera que ce n'ait été qu'une histoire, et peu importera que Sherlock Holmes s'y soit montré lamentable.
Non, ça n'aura aucune importance, car un personnage comme le sien est immortel. Comme il est dit dans « L'homme qui tua Liberty Valance » : « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende... ».
Bruno
Aucun commentaire: