"Dracula" de Bram Stoker et "Bram Stoker’s Dracula" de Francis Ford Coppola
SEMAINE ÉCRANS BRITANNIQUES
Jonathan Harker, solicitor (notaire et avoué), est envoyé en mission en Transylvanie auprès du Comte Dracula afin de le tenir au courant de ses acquisitions immobilières et préparer son voyage vers Londres. Très rapidement Jonathan va prendre la mesure de l’étrangeté du Comte et comprendre qu’il est non seulement son prisonnier mais aussi que sa vie est en danger.
Jonathan est un jeune homme curieux, consciencieux, rigoureux qui écrit tout et en permanence. Il entretient une correspondance avec sa fiancée, Mina Murray qui ressemble "terriblement" à l’épouse décédée du Comte.
Dracula, au fait des craintes de Jonathan, va mettre son plan à exécution. Et, le laissant pour mort dans son château, part rejoindre "sa belle perdue" à Londres…
Dracula écrit par Bram Stoker
Adapté au cinéma par Francis Ford Coppola
Abraham Stoker et son roman
Abraham Stoker nommé Bram Stoker naquit prés de Dublin en novembre 1847 dans une famille modeste et nombreuse. De santé fragile, il passa son plus jeune âge auprès de sa mère qui lui conta maintes fois les légendes irlandaises et le familiarisa avec les romans gothiques (roman gothique, quelques précisions).
Il écrivit à partir de 1875 : feuilletons, livre de contes pour enfants, des nouvelles et des romans d’aventures fantastiques. Dracula paraîtra en mai 1897 après dix années d’écriture et connaîtra un succès immédiat. Oscar Wilde le qualifiera de "beau roman du siècle".
Il est dit que Bram Stoker créa une véritable petite révolution quant à l’image du vampire et ancra définitivement Dracula et ses semblables dans une ère nouvelle : celle de "l’humanisation".
LE ROMAN
Dracula est un roman épistolaire où se côtoie plusieurs personnages qui racontent leur vécu, leurs ressentis, leurs réflexions. Nous suivons les personnages dans leurs craintes, leurs espoirs, leur combats au travers des missives qu’ils écrivent.
MON AVIS
Dracula est une aventure où, à mon sens, le héros est une héroïne. C’est ce que j’ai découvert au fil des pages : une Mina, jeune femme dévouée mais finalement très courageuse et moderne pour son temps (ou dans l’air du temps de l’époque). Par amour et par soif de liberté et d’affirmation, elle va diriger une véritable enquête : à la recherche de celui qui l’a touchée, mais surtout de celui qui pourrait remettre en cause son bonheur terrestre.
Le Dracula de Stoker n’est certes pas le premier des vampires en littérature mais il a quelque chose de différent. De la bête (chauve-souris ou loup-garou), ce vampire aspire à devenir un être raffiné, un homme du monde - certes manipulateur et vorace mais n’est-ce pas par instinct de survie qu’il commet ses meurtres - qui ne souhaite que vivre dans le bonheur.
Personnage abouti que nous trouverons dans Underworld en 2003 et bien sûr dans la série Twilight dès 2008.
LE CONTEXTE
L’Ere victorienne (1837-1901) est une période de contrastes : industrie et sciences sont en pleine effervescence mais à côté de cela, une grande majorité du peuple britannique est en très grande souffrance.
1859, Charles Darwin vient écorcher les croyances chrétiennes en exposant sa théorie sur la sélection naturelle, l’évolution des espèces et l’idée d’un ancêtre commun entre l’Homme et les singes.
1888, Londres connaît une période de terreur à cause des meurtres de prostituées perpétués par Jack l’éventreur.
C’est une période propice à la pérennisation de deux personnages "vampiresques" de roman : une femme Carmilla et un homme Dracula… j’ose ?! Les représentants d’une nouvelle génération d’Adam et Eve, cruelle, immortelle, insensible aux maux d’ici bas, dotée de super pouvoirs, cultivée, sexuellement débridée et rarement pauvre.
Un double avantage à ce type de personnages de fiction : la possibilité de vivre ses fantasmes les plus fous dans une société puritaine et injuste ; Enfin, le vampire bien qu’étant une "espèce" au plus proche de l’Homme, elle est avant tout "différente". Voilà donc un "genre" que l’on peut exclure, rejeter, bafouer, exterminer sans "état d’âme" et même avec une certaine bénédiction, dans la fiction mais aussi dans la réalité (voir l’histoire de tous ces peuples nomades souvent associés à des croyances sauvages et barbares…).
Carmilla pourrait être Elisabeth Bathory (1560-1614), aristocrate hongroise. La légende populaire la surnomma "la Comtesse des Carpates" ou encore "la Comtesse Dracula". Il est dit qu’elle vouait un véritable culte au sang au point de se baigner dans celui de vierges pour rester éternellement jeune. Elle aurait tuée plus de 500 jeunes filles.
Petite note : Cléopâtre, c’était du lait d’ânesse et il ne fallait pas moins de 700 ânesses pour lui fournir la quantité de lait nécessaire à ses bains quotidiens. Je sais le parallèle est énorme mais néanmoins… rigolo !!!
Dracula serait Vlad III ou Vlad Tepes alias l’Empaleur, un prince roumain ayant vécu au XIVe siècle. Après avoir été emprisonné par les turcs durant son enfance, il se battit contre ces derniers et ne se gêna pas pour empaler ces ennemis défaits.
Francis Ford Coppola et Dracula
Le titre original du film est "Bram Stoker’s Dracula". Il sort en France en janvier 1993 sous le titre "Dracula".
MON AVIS
Un excellent choix d’acteurs : Coppola a su s’entourer d’acteurs de talent : Gary Oldman (Dracula) remarquable, Wynona Ryder (Mina), Keanu Reeves (Jonathan), Anthony Hopkins (Van Helsing)…
Le choix du scénario : Coppola a effectué une adaptation relativement fidèle du roman de Stoker même s’il existe des différences dans la chronologie d’apparition des lettres et des évènements.
Cependant, la différence majeure réside dans le fait d’avoir mis au second plan le rôle de Mina pour insister sur la dimension romantique et sensuel du personnage de Dracula.
D’ailleurs, le fait de commencer directement par la partie tragique de la vie de Vlad III (avec le suicide de son épouse et la condamnation aux enfers de cette dernière, passage qui légitime sa souffrance et sa haine pour Dieu) affirme ce choix cinématographique.
Enfin, dans le livre, les émotions éprouvées par Jonathan, Mina, Lucy lorsqu’ils sont au contact de Dracula relèvent de la crainte, la peur voire l’horreur, un sentiment de fin proche. Alors que dans le film, ce qui domine est du domaine essentiellement de la fascination, d’un irrésistible envoutement.
Définition du vampire par Coppola
"Pouvez-vous ressentir ce qu’éprouve cette créature tragique, mi-homme mi-bête, un mort destiné à être vivant par sa douleur ?
Tout le monde connait l’expérience d’être sous l’eau, d’essayer de retenir sa respiration ; combien au début tout va bien et combien c’est facile à maitriser. Mais quand approche le moment où l’on doit respirer, on panique, on pense qu’on n’y arrivera pas, et puis on respire, on aspire l’air et l’hystérie se calme. Etre un vampire et avoir besoin de sang ressemble à ça".
F. F. Coppola, Journals 1989-1993, trad. I.K., in Projections 3, Faber and Faber, p. 10.
Mon avis sur d’autres films du genre :
Le Cauchemar de Dracula, film de Terence Fisher (1958), d’après le roman de Bram Stoker :
Je l’ai vu étant jeune ado un soir de cinéma en plein air. Terrible ! J’avais été incapable de me déplacer seule dans le camping pendant quelques soirées.
Je l’ai revu récemment et j’ai pris plaisir à le visionner avec mon fils de 14 ans pour deux raisons : la "genèse" du vampire et le cinéma et ses effets spéciaux de l’époque.
Un truc rigolo à tester : regarder l’adaptation de Fisher puis celle de Coppola. Plus de trente ans les séparent, les techniques de tournage, de montage et autres ont considérablement évoluées. De 1958 à 1992, ces deux versions sont-elles foncièrement différentes ?
Entretien avec un vampire, film de Neil Jordan (1994), adaptation du roman de Anne Rice (1976) :
J’ai vu le film à sa sortie au cinéma. À l’époque, un film incontournable avec Tom Cruise, Brad Pitt, Antonio Banderas, Christian Slater et Kirsten Dunst… une panoplie d’acteurs phénoménaux !
Puis, en 2013, j’ai découvert le roman. Et bien, j’ai compris (un peu tard) qu’il se passait à nouveau une petite révolution chez les vampires au travers du personnage de Louis de Pointe du Lac qui se pose tant de questions sur la nature du vampire, son "immortalité", son impossibilité de filiation, sa solitude...
Le roman est un peu monobloc mais Anne Rice a su, dans le film, donner du mouvement à ses mots.
Ce qui suit est extrait de "Vampires, au-delà du mythe" de Marjolaine Boutet (editions Ellipses, 2011) et décrit l’évolution du vampire :
« C’est très clair dans Entretien avec un Vampire, d’Anne Rice, publié en 1976. On prend la peine d’écouter et de comprendre le vampire. Avant, toutes les fictions de vampire se terminaient par la destruction du monstre qui n’est pas comme nous et qui est maléfique. Là, on prend le temps de comprendre les pulsions, les différences. Et on apprend à vivre avec. »
Underworld, film de Len Wiseman (2003)
Je suis fan donc nécessairement absolument pas objective.
Ils sont beaux, intégrés, presque invisibles mais bien présents. Leur problème est qu’à force d’intégration, ils finissent par dégénérer. Mais pas tous car fort heureusement Selene (Kate Beckinsale) veille, réagit, réfléchit, prend du recul et fait de nouveaux choix pour sa survie contre son clan.
Petite note : dans l’approche et la manière de décrire les vampires contemporains, le film est très proche d’une série BD intitulée "Rapaces" de Dufaux et Marini.
Pour en savoir plus :
lisez De Nosferatu à Dracula
lisez Dracula au cinéma
Malika. B
Article déjà très complet mais je voudrais rajouter le titre d'un film à découvrir absolument : "Morse" sorti en 2008, du réalisateur Tomas Alfredson.
RépondreSupprimeradapté du roman de l'auteur Suédois John Ajvide Lindqvist.
Sans dévoiler l'histoire, je dirai juste que les deux adolescents qui jouent les rôles principaux sont très particuliers. Vous rajoutez une ambiance de froid et de neige, une bande son et une mise en scène qui ne" laissent pas de glace" et vous obtenez un film acéré et tranchant comme une morsure.
En faisant quelques recherches, j'ai appris qu'il y avait eu un remake, sorti en 2010 par le réalisateur américain Matt Reeves.
Je ne le connais pas mais si quelqu'un l'a vu, cela m'intéresse.