Ils ont été confinés : l'art

Ou quand l’art permet à des peintres de réaliser des chefs d’œuvre et d’ouvrir le dialogue, au-delà du temps et de l’espace, pour exorciser l’enfermement, la maladie et la solitude.


« Je veux maintenant absolument peindre une nuit étoilée »


C’est en ces termes, que Vincent Van Gogh s’adresse à sa sœur, dans une lettre rédigée en septembre 1888. 

Et il va réaliser ce tableau qui lui tient tant à cœur, peu de temps après, dans une période particulièrement douloureuse de sa vie, de la cellule de l’asile psychiatrique dans lequel, il a décidé de se faire interner volontairement. En effet, le peintre, né en Hollande en 1853, souffre depuis son enfance, d’instabilité mentale, ponctuée par des accès de démence et des tendances suicidaires. Installé à Arles depuis peu, fasciné par la luminosité et les couleurs éclatantes, il s’est vite vu rattrapé par ses démons. 

La nuit étoilée, 1889 | Vincent Van Gogh | MoMA The Museum of Modern Art
La nuit étoilée, 1889 | Vincent Van Gogh | MoMA The Museum of Modern Art

La « nuit étoilée », est-elle l’œuvre d’un dément ou d’un visionnaire ?

On a souvent perçu ce tableau comme le reflet de la santé mentale torturée du peintre. Les spirales omni-présentes, les cyprès torturés, semblent être des symboles des tourments qui affectaient le peintre. Et pourtant l’œuvre est riche en couleurs et ces mêmes symboles peuvent être interprétés différemment : selon l’astro-physicien, Trin Xuan Thuan, Van Gogh a fait preuve d’une prescience extraordinaire représentant le monde dans son mouvement perpétuel, la coloration des étoiles, alors même que ces éléments étaient inconnus, à l’époque. On peut y voir tout simplement, l’expression de la sincérité du peintre et du dialogue qu’il ouvre ainsi avec nous.

Lire : Van Gogh / Artaud. Le suicidé de la société


« Je ne suis pas malade, je suis brisée »


Ce sont les paroles de Frida Kahlo, peintre mexicaine de la première moitié du XXeme siècle. Née à Mexico, l'artiste, déjà fragile durant son enfance, va être victime d'un terrible accident d'autobus, à l'âge de dix-huit ans. Une barre métallique la transperce, causant des dommages irréversibles à sa colonne vertébrale et à ses organes génitaux. Dès lors, « peintre de la résilience », elle va utiliser ses pinceaux pour dit-elle, retrouver la dignité de son corps martyrisé. L'œuvre intitulée « la colonne brisée » n'est réalisée que longtemps après cet accident, mais est le reflet de la souffrance qui va la poursuivre tout au long de sa vie, qu’elle passe alitée.

la colonne brisée | 1944 | frida kahlo
 

Le tableau la représente droite, nue, sanglée dans un corset qui soutient sa colonne, symbolisée par une colonne ionique, dans un décor aride et desséché. 
Mais son visage est digne, malgré les larmes et elle met en évidence sa poitrine dénudée, témoin silencieux de cette féminité blessée... Frida souffre que son corps soit devenu une prison et l'empêche de vivre sa vie de femme. 
Comme Van Gogh se représentant avec son oreille mutilée, Frida se représente avec toutes ses souffrances et ne les cache pas : « ma peinture porte en elle le message de la douleur ». 
L'artiste transcende, dans cette œuvre sa souffrance et sa solitude pour la partager avec la vulnérabilité de tout individu.

 


Frida Kahlo, à travers le masque
Des ailes de mouette noire : portrait en miroir de Frida Kahlo

« Ne pas raconter, montrer »

Courbet se représente dans la cellule de sa prison, assis sur une table, près d'une fenêtre entrouverte peu obstruée par les barreaux. Il porte vraisemblablement l'habit de prisonnier. Il est coiffé d’un béret, un foulard rouge au cou, seule note de couleur dans cette peinture de tons foncés. Couleur que l'on peut apparenter à une proclamation de l'artiste : la revendication de son engagement dans les rangs de la Commune.
 Autoportrait | 1871 Gustave Courbet
Nous sommes en 1871, Courbet purge une peine de six mois de prison pour son implication dans la Commune. Élu du 6eme arrondissement de Paris, il était Président de la Commission des Arts.

Il apparaît amaigri par les épreuves, à la fenêtre éclairée par le soleil qui baigne l'œuvre de mélancolie. Alors qu'il n'en est rien. "Portrait idéalisé" bien qu'il ait subi un traitement de faveur, la réalité est amère. Privé de liberté, il se demande "s'il reverra le soleil".

Ce tableau fut sans nul doute conçu plus tard, après sa sortie de prison. Cette toile est à la fois un autoportrait, une déclaration politique, une part de son dessein autobiographique.
Car, « peintre du réalisme », il n'en demeurait pas moins « un peintre engagé », usant de l'autoportrait dans son œuvre pour servir son image médiatique.



Gustave Courbet (1819-1877) : une biographie


Les bibliothécaires 

À paraitre lundi 4 mai, Ils ont été confinés : les scientifiques

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