Alain DAMASIO : La Horde du Contrevent

Je me dois de vous faire un aveu : rédiger des billets de blog peut parfois s'avérer ingrat. Non que l'exercice de chroniquer un roman, un essai, un film, soit déplaisant, pas le moins du monde ! Mais lorsque, ayant achevé la dernière page de La Horde du Contrevent, d'Alain DAMASIO, l'expression "chef-d'oeuvre" s'impose à vous avec une telle force que tout autre qualificatif vous semble terne en comparaison, vous en venez à vous demander comment diable vous allez réussir à développer un peu votre propos sans sombrer dans la dithyrambe la plus abjecte. Misère!

Zéfirine*

C'est par un jour de mistral à envoyer un taureau camarguais en orbite que j'ai entamé la lecture de La Horde du Contrevent. Ce qui n'avait rien d'un hasard. Depuis des années que j'avais entendu parler de ce roman de SF, à la réputation certes flatteuse mais considéré comme ardu, j'avais fini par l'acheter, pour lâchement l'abandonner dans une de mes innombrables piles de livres en attente. Avant de me dire que, mon Dieu, les conditions atmosphériques m'aideraient à me mettre dans l'ambiance. Et ça n'a pas raté!!

La Horde du Contrevent vous fiche déjà une claque rien que dans sa présentation. L'introduction vous présente de manière succincte les 23 personnages principaux du roman, les membres de la 34ème Horde qui donne son nom au titre de l'ouvrage. Par ailleurs, la numérotation des pages se fait à l'envers. Difficile de ne pas ressentir le même sentiment de compte à rebours que celui des personnages de la Horde! Qui plus est, la thématique principale est marquée dès le début, en l’occurrence la lutte impitoyable de l’équipe pour voyager à travers le vent omniprésent, aux rafales parfois tellement violentes qu’elles peuvent tuer un homme robuste en quelques secondes. 

Choon*

Le monde n'est jamais décrit ou cartographié en tant que tel, mais seulement perçu par les yeux des protagonistes de l'histoire. Les Hordes représentent les seuls groupements humains, constitués d'une vingtaine de personnes entraînées depuis l'enfance, qui s'efforcent de le traverser de part en part, générations après générations, avec un seul et unique but, toujours le même à travers les siècles : trouver l'Extrême-Amont, l'origine mythique de tous les vents titanesques qui balayent le monde.

Rentrer dans le roman n'est pas chose facile. Le lecteur est catapulté dans un univers dont il ne maîtrise pas les codes, et qu'il est obligé de découvrir par petites touches par l'entremise des dialogues ou des pensées de 23 membres de la 34ème Horde. Autant dire que les premiers chapitres nécessitent de s'accrocher un peu  - La Horde du Contrevent fait clairement partie des livres qui se méritent! Mais la démarche d'Alain DAMASIO est parfaitement consciente et appropriée, puisque de cette manière le lecteur ressent lui-même une gêne réelle susceptible de lui faire toucher du doigt les souffrances infinies que ressentiront les personnages principaux tout au long du livre. 

Furvent*

Et puis, pour quel résultat ! L’ouvrage d’Alain DAMASIO est d’une richesse à peu près incomparable. Pour résumer, il y a 10 idées par page sur 700 pages, chaque idée étant assez originale pour faire potentiellement l’objet d’un roman complet ! En fait, hormis le monumental Tous à Zanzibar de John BRUNNER, je n’ai pas souvenir de quoi que ce soit de comparable à ça. On est au croisement du roman de SF, du récit d’aventure et de l’analyse psychologique, le tout s’entremêlant d’une manière magistrale – on ose à peine imaginer le travail qu’exigea le tissage d’une tapisserie d’une telle complexité !


Ceci dit, si je devais à tout prix apposer une étiquette à La Horde du Contrevent, je dirais qu’il s’agit avant tout d’un récit initiatique. Chaque personnage, face aux défis rencontrés – à côté desquels l’ascension de l’Everest en maillot de bain ressemble à une paisible promenade champêtre – doit aller jusqu’au bout de lui-même, physiquement et mentalement. Plus que la finalité du voyage, c’est la progression, étalée sur des années, qui importe réellement. Confrontés à un voyage interminable et à un conditionnement féroce, les personnages affinent un peu plus leur personnalité au fur et à mesure des épreuves qu’ils auront à surmonter, et de la mort qu’ils rencontreront, inévitablement. Les derniers paragraphes, dans leur simplicité, nous renvoie au caractère profond de la destinée humaine : dérisoire. 


*Trois des 9 formes du vent, du plus doux au plus puissant. Un furvent impromptu est susceptible d’anéantir une Horde mal préparée. Vous êtes prévenus !

Bruno B. Bibliothécaire

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La horde du contrevent
Alain Damasio
la Volte, 2004

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