John CARPENTER : Prince des Ténèbres - 2/4
Nous continuons notre panorama en quatre volets de l’œuvre du réalisateur John CARPENTER que nous avons initiée suite à la remise du Carrosse d’Or à Cannes pour l’ensemble de son œuvre. Dans notre précédent billet nous l’avions laissé en 1981, au faîte de sa gloire, auteur rentable économiquement et artistiquement respecté. Nous le retrouvons aujourd’hui en 1987, avec son Prince des Ténèbres.
De l'Aventin à la roche tarpéienne
En 1987, John CARPENTER est un homme brisé, ou peu s’en faut. L'année précédente, il avait réalisé le magnifique Jack Burton dans les griffes du mandarin, un film-hommage au cinéma chinois...complètement passé au-dessus de la tête du public américain de l'époque! De ce fait le film avait logiquement été un four innommable. Du Golden Boy qu'il était, John CARPENTER est devenu du jour au lendemain persona non grata, un homme aux cheveux prématurément blanchis alors qu'il n'avait pas encore atteint la quarantaine.
Son cas n'avait rien d'isolé. Le milieu des années 80 voyait une reprise en main des studios sur les auteurs. Nombre de grands réalisateurs furent brisés du jour au lendemain, et beaucoup d'autres furent obligés de passer sous les fourches caudines des studios hollywoodiens. John CARPENTER quant à lui, tel un boxeur sonné mais pas encore à terre, eut assez de talent et de volonté pour contre-attaquer immédiatement. Un film à petit budget. Une équipe réduite, constituée de volontaires payés au minimum syndical. Un tournage commando finalisé en quelques jours. Et au final un chef-d'oeuvre : Prince des Ténèbres.
Dans l'église nul ne vous entendra crier
Rarement on aura vu à ce point un film réalisé selon les canons de la tragédie grecque classique. Unité de temps : presque tout le film concentré sur une nuit. Unité de lieu : une église désaffectée. Unité d'action : un prêtre et une équipe de scientifiques cherchant à percer de concert le mystère qui semble entacher une modeste église sise dans un quartier populaire. Une trame concentrée à l'extrême, sans aucun temps mort, allant directement à l'essentiel, servie par une réalisation au cordeau digne des meilleures séries B de Don SIEGEL.
Prince des Ténèbres est un film d'horreur total. Viscéral, violent, claustrophobique. Mais c'est aussi, à l'instar du Zombie de George ROMERO sorti 10 ans plus tôt, un film d'horreur existentiel. Ce qui attend les héros, une poignée d'hommes et de femmes normaux, n'est rien d'autre qu'une confrontation avec le Mal à l'état brut, dénué de toute séduction et affèterie. La terreur naît de ce que le spectateur assiste au combat désespéré d'être humains qui n'ont aucune chance face à ce qu'ils affrontent, à l'instar de ce que l'on peut trouver dans les meilleurs récits de LOVECRAFT (inspiration majeure de John CARPENTER, soit dit en passant).
Fort Alamo
Par ailleurs, pas besoin de connaître la passion de John CARPENTER pour le western pour réaliser l'hommage qu'il rend à des films comme Rio Bravo ou Alamo : Prince des Ténèbres est certes un film d'horreur, mais aussi un film de siège ouvertement inspiré des chefs-d'oeuvre d'Howard HAWKS et de John WAYNE. La démarche est claire. John CARPENTER assume totalement sa filiation avec un certain cinéma typiquement américain, qu'à l'instar d'un Clint EASTWOOD il ne reniera jamais.
Prince des Ténèbres était un pari. S'il ne reçut pas de suite un grand succès, le prix décerné en 1988 au festival d'Avoriaz lui permit de prendre son envol. Trente ans plus tard, il est encore considéré comme un des joyaux du film fantastique, un classique que l'on voit et revoit sans jamais s'en lasser. Pari réussi haut la main donc, qui permit à un John CARPENTER bien énervé de péter gentiment un boulon dans son film suivant, l'incroyable et inénarrable Invasion Los Angeles...que nous aurons le plaisir de vous présenter à l'occasion d'un prochain billet!
Bruno B. Bibliothécaire
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