TRUST, Répression
Allez savoir pourquoi, c’est en général au cours de l’été qu’on se livre prioritairement à des séances « nostalgie ». Que l’on feuillette quelques livres aimés mais un peu perdus de vue. Que l’on revoit certains de ses films favoris, ou à tout le moins leurs scènes les plus marquantes. Que l’on revit des environnements musicaux que l’on avait un peu oubliés. Et c’est alors, en farfouillant dans un carton rempli de disques, que je suis retombé par pur hasard sur un vieil album de TRUST…
La première chose qui vous saute à la figure (enfin…aux oreilles, plutôt !) c’est à quel point cet album, le plus célèbre du groupe de rock français TRUST, a la pêche. On était en 1980, AC/DC était au sommet de sa gloire et son influence sur TRUST est tangible. Chaque chanson irradie littéralement une énergie AC/DC-ienne qui vous prend aux tripes et fait remonter un frisson électrique le long de la colonne vertébrale. Ce n’est pas du simple boucan, du volume pour du volume, mais la matérialisation sous forme musicale d’une colère, d’une urgence qui s’impose à l’auditeur.
Mais si Répression est inspirée par le super-groupe australien, il demeure un album profondément français. Non seulement par l’usage de la langue française dans les paroles, mais aussi et surtout par la prise en compte de réalités bien françaises. L’actualité de l’époque est disséquée : mort de Mesrine, installation temporaire de Khomeyni à Nauphle-le-Château, incarcération à Fleury-Mérogis…
Antisocial, qui ouvre l’album, est d’ailleurs devenu LE titre emblématique du groupe, un rock imparable qui emporte tout sur son passage et se paie le luxe de susciter en plus la réflexion. Car oui, le groupe TRUST, par l’entremise des paroles de Bernie BONVOISIN, présentait une vraie réflexion sur la société française de l’époque. Il participait d’une forme de contre-culture qui incluait pêle-mêle la culture geek, le cinéma de genre et le rock au sens large.
Un espace-temps à vrai dire assez étrange, sous un giscardisme finissant alternant indéniable libération des mœurs et crispation culturelle (ainsi, le premier Mad Max était alors encore interdit aux moins de 18 ans, ce qui laisse un tantinet perplexe de nos jours !).
Un univers dans lequel demeuraient encore des luttes qui en valaient la peine, dans lequel les pouvoirs publics n’avaient pas encore intégré et digéré cette contre-culture avant de la rendre mainstream.
Il y a dans Répression une entreprise de secouage généralisé de cocotier qui a quelque d’incoerciblement jouissif. Le point de vue du groupe sur plusieurs sujets d’actualité peut légitimement être critiqué (sa défense de Mesrine de quoi rester en travers de la gorge), mais il exprime certaines choses qui, à notre époque corsetée par 30 ans de politiquement correct, paraissent d’une audace folle.
Par exemple, ré-écouter Monsieur Comédie vous expose à sombrer dans un vortex spatio-temporel. Une critique impitoyable de l’instrumentalisation de la religion musulmane à des fins politiques, de l’interdiction de toute liberté dans un Etat islamique ? Quoi ? Vous pensez à Daech ? Vous n’y êtes pas du tout, le groupe évoquait la prise de pouvoir de l’Ayatollah Khomeyni, frêle vieillard ayant fait pleurer dans les chaumières durant son exil en France, avant de donner sa pleine mesure à son retour en Iran lors de la Révolution de 1979…
Guerre intestine au monde arabo-musulman, instrumentalisation d’Occidentaux bêlants et idiots utiles volontaires, emploi de la religion pour dézinguer l’adversaire mécréant (même si personne n’a certes jamais prétendu que le Chah d’Iran était un premier prix de vertu)…ce genre de retour en arrière vous permet de mettre le doigt, hors de toute connaissance livresque, sur la permanence de très anciennes lignes de fracture. Une certaine idée de la constance de l’Histoire, pour une fois illustrée par la musique.
Ce qui réjouit, et vous fait soudainement prendre conscience de l’atmosphère dans laquelle nous vivons aujourd’hui en France, c’est de s’entendre rappeler certaines rudes réalités que nous n’avons que trop tendance à oublier. Que la démocratie est une chose précieuse et fragile qui mérite qu’on la défende au quotidien. Que l’Etat est là pour préserver les intérêts des citoyens du pays, pas pour les décourager. Et que lorsqu’un ennemi souhaite vous écraser…vous vous battez !
La chanson finale est à ce titre une vraie bombe. Les sectes est un pilonnage en règle du phénomène sectaire, mais attention ! Le gourou n’est pas le seul à en prendre pour son grade. Les sectateurs se mangent également une rouste de première, direct dans les gencives.
Quelques années plus tard, c’est RENAUD qui faisait de même avec le problème de la drogue, conspuant dans Petite conne une jeune femme égoïste morte d’overdose. Rappelant qu’une grande démocratie comme la France n’avait pas besoin de victimes professionnelles ou de paumés à vie, mais bien de citoyens forts et responsables, qui mettront peut-être parfois un genou à terre (nul n’est invulnérable, et surtout pas l’auteur de ces lignes !) mais sauront se redresser.
Alors, vous savez quoi ? Lorsque vous en revenez, le temps d’un album, à des choses simples et fondamentales, lorsque vous regardez autour de vous et voyez le monde de guimauve que nous avons construit ces dernières décennies, alors vous avez envie de reprendre à votre compte les tous derniers mots de Répression : « ET MERDE ! »
Bruno B.
Antisocial
La première chose qui vous saute à la figure (enfin…aux oreilles, plutôt !) c’est à quel point cet album, le plus célèbre du groupe de rock français TRUST, a la pêche. On était en 1980, AC/DC était au sommet de sa gloire et son influence sur TRUST est tangible. Chaque chanson irradie littéralement une énergie AC/DC-ienne qui vous prend aux tripes et fait remonter un frisson électrique le long de la colonne vertébrale. Ce n’est pas du simple boucan, du volume pour du volume, mais la matérialisation sous forme musicale d’une colère, d’une urgence qui s’impose à l’auditeur.
Mais si Répression est inspirée par le super-groupe australien, il demeure un album profondément français. Non seulement par l’usage de la langue française dans les paroles, mais aussi et surtout par la prise en compte de réalités bien françaises. L’actualité de l’époque est disséquée : mort de Mesrine, installation temporaire de Khomeyni à Nauphle-le-Château, incarcération à Fleury-Mérogis…
Antisocial, qui ouvre l’album, est d’ailleurs devenu LE titre emblématique du groupe, un rock imparable qui emporte tout sur son passage et se paie le luxe de susciter en plus la réflexion. Car oui, le groupe TRUST, par l’entremise des paroles de Bernie BONVOISIN, présentait une vraie réflexion sur la société française de l’époque. Il participait d’une forme de contre-culture qui incluait pêle-mêle la culture geek, le cinéma de genre et le rock au sens large.
Un espace-temps à vrai dire assez étrange, sous un giscardisme finissant alternant indéniable libération des mœurs et crispation culturelle (ainsi, le premier Mad Max était alors encore interdit aux moins de 18 ans, ce qui laisse un tantinet perplexe de nos jours !).
Un univers dans lequel demeuraient encore des luttes qui en valaient la peine, dans lequel les pouvoirs publics n’avaient pas encore intégré et digéré cette contre-culture avant de la rendre mainstream.
Monsieur Comédie
Il y a dans Répression une entreprise de secouage généralisé de cocotier qui a quelque d’incoerciblement jouissif. Le point de vue du groupe sur plusieurs sujets d’actualité peut légitimement être critiqué (sa défense de Mesrine de quoi rester en travers de la gorge), mais il exprime certaines choses qui, à notre époque corsetée par 30 ans de politiquement correct, paraissent d’une audace folle.
Par exemple, ré-écouter Monsieur Comédie vous expose à sombrer dans un vortex spatio-temporel. Une critique impitoyable de l’instrumentalisation de la religion musulmane à des fins politiques, de l’interdiction de toute liberté dans un Etat islamique ? Quoi ? Vous pensez à Daech ? Vous n’y êtes pas du tout, le groupe évoquait la prise de pouvoir de l’Ayatollah Khomeyni, frêle vieillard ayant fait pleurer dans les chaumières durant son exil en France, avant de donner sa pleine mesure à son retour en Iran lors de la Révolution de 1979…
Guerre intestine au monde arabo-musulman, instrumentalisation d’Occidentaux bêlants et idiots utiles volontaires, emploi de la religion pour dézinguer l’adversaire mécréant (même si personne n’a certes jamais prétendu que le Chah d’Iran était un premier prix de vertu)…ce genre de retour en arrière vous permet de mettre le doigt, hors de toute connaissance livresque, sur la permanence de très anciennes lignes de fracture. Une certaine idée de la constance de l’Histoire, pour une fois illustrée par la musique.
Les sectes
Ce qui réjouit, et vous fait soudainement prendre conscience de l’atmosphère dans laquelle nous vivons aujourd’hui en France, c’est de s’entendre rappeler certaines rudes réalités que nous n’avons que trop tendance à oublier. Que la démocratie est une chose précieuse et fragile qui mérite qu’on la défende au quotidien. Que l’Etat est là pour préserver les intérêts des citoyens du pays, pas pour les décourager. Et que lorsqu’un ennemi souhaite vous écraser…vous vous battez !
La chanson finale est à ce titre une vraie bombe. Les sectes est un pilonnage en règle du phénomène sectaire, mais attention ! Le gourou n’est pas le seul à en prendre pour son grade. Les sectateurs se mangent également une rouste de première, direct dans les gencives.
Quelques années plus tard, c’est RENAUD qui faisait de même avec le problème de la drogue, conspuant dans Petite conne une jeune femme égoïste morte d’overdose. Rappelant qu’une grande démocratie comme la France n’avait pas besoin de victimes professionnelles ou de paumés à vie, mais bien de citoyens forts et responsables, qui mettront peut-être parfois un genou à terre (nul n’est invulnérable, et surtout pas l’auteur de ces lignes !) mais sauront se redresser.
Alors, vous savez quoi ? Lorsque vous en revenez, le temps d’un album, à des choses simples et fondamentales, lorsque vous regardez autour de vous et voyez le monde de guimauve que nous avons construit ces dernières décennies, alors vous avez envie de reprendre à votre compte les tous derniers mots de Répression : « ET MERDE ! »
Bruno B.
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