Bad trip dans les Landes

Wonder Landes
Le dernier roman d’Alexandre Labruffe est sorti cet été. Il y relate un évènement survenu dans sa famille : l’arrestation de son frère. Cet incident va lever le voile sur bien d’autres affaires familiales toutes aussi incroyables… mais vraies !

Un drôle de frère

Le nouveau roman autobiographique d’Alexandre Labruffe s’ouvre sur la dédicace «  A mon frère ». Ce frère n’a pas de véritable identité. Il se cache derrière un masque qui l’emprunte ou qu’on lui attribue. Pierre-Henri Labruffe n’a jamais été appelé par son prénom par sa famille. Il est Pierre pour la mère, PH pour l’auteur. Lui-même ne donnait jamais son vrai nom. Il se faisait appeler Pierre Labruffe, Henri Labruffe, Pierre Devaux, Maurice Devaux, Henri Devaux, Pierre Roubo, Henri Roubo, Henri Wu. Voilà un homme (un personnage ?) aux multiples noms, aux multiples identités. Encore plus anecdotique, il porte le nom de son grand-père disparu la veille de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le frère va également multiplier les pseudos pour échanger des textos quand il sera en prison. C’est un incorrigible caméléon.

PH c’est surtout un petit arnaqueur selon l’auteur : « Beau parleur, séducteur : oui. Moitié Keanu Reeves, moitié Bernard Tapie, il pourrait vendre des lunettes à un aveugle ou un fonds toxique à un trader. Mais bandit : non. »

Mais c’est aussi le gars qui abuse des expressions « je gère » ou « c’est rien ». PH tape sur le système. Il a le profil de la personne qui ramène les emmerdes, qui les attire. Presque un type insupportable.

 

Un auteur qui écrit sur le divan


Le récit d’Alexandre Labruffe s’étend sur une année, une année où il va recoudre ensemble les indices. Il va ainsi tenter de comprendre ce qui s’est passé dans la tête de son frère qui a dérapé. L’auteur va nous délivrer une enquête faite de théories freudienne et lacanienne. Tout le charme et le malheur de cette histoire autobiographique réside dans ce jeu de la langue, celle des non-dits, des références littéraires et psychanalytiques, mais aussi des effets stylistiques dans sa prose.

L’objectif de l’auteur est de comprendre, d’enquêter : « Au cœur d’une déflagration, il y a plusieurs souffles. Et si ce livre a une ambition, c’est bien celle de les disséquer. Une déflagration, c’est plus ou moins long. Celle-là, elle va durer un an. » Cette déflagration c’est un peu la psychanalyse qu’Alexandre passerait avec nous, ses docteurs lecteurs. Avec lui, nous allons disséquer une histoire familiale qui prédestinait PH a glissé du côté obscur.


Une plongée nébuleuse dans les Landes


La brume des Landes incarne toute l’histoire familiale de PH, c’est un énorme mystère ! La vision est continuellement brouillée dans le roman. L’œil n’y voit plus clair. L’épisode du 11 août du roman représente symboliquement toute la nébuleuse affaire. Sur la RN10 l’auteur n’y voit plus rien. Il est en plein déluge à bord de la Clio kaki en route pour visiter PH à la maison d’arrêt d’Angoulême.

L’œil est justement l’organe omniprésent au sein du travail d’Alexandre Labruffe chargé de cours en cinéma à l’université. Il étudie comment l’œil apparaît dans les longs métrages. Ironie pour ce spécialiste du regard, Alexandre Labruffe n’aura pas vu ce qui se tramait dans sa propre famille.

Le livre d’Alexandre Labruffe est une ivresse psychédélique où nous suivons PH comme le lapin d’Alice, où tout son entourage est noyé en plein délire, danse et boit du vin, le tout dans un savant mélange d’humour noir et de prose. Un texte complètement délirant et jouissif !


Gwénaëlle B. Bibliothécaire


Wonder Landes
Alexandre Labruffe

Collection Verticales, Gallimard , 2021


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