Le langage de vérité, de Malika SOREL-SUTTER
Les événements dramatiques de ces deux dernières années nous ont obligé à réinterroger la notion d'appartenance nationale, qui, en ces temps de construction européenne, n'allait plus si clairement de soi. Il est frappant que constater que nos interrogations de 2016 aient été formulées avec clarté et énergie, il y a déjà 5 ans de cela, par Mme Malika SOREL-SUTTER.
Immigration, intégration, le langage de vérité par Malika Sorel-Sutter
Derrière un titre un peu passe-partout, Mme SOREL-SUTTER, polytechnicienne, diplômée de Sciences-Po, et à l'époque membre du Haut Conseil à l'Intégration, propose un essai pénétrant sur la question de l'intégration.
Prenant le contre-pied – parfois un peu systématiquement, si l'on devait lui en faire reproche – des clichés concernant l'immigration des dernières décennies et l'intégration subséquente, elle fournit un état de lieux solidement étayé et une pertinente analyse de la situation.
Le constat est sévère.
La politique migratoire de la France a commencé à déraper à partir des années 70, au moment de l'installation définitive de populations nord-africaines et sub-sahariennes censées, à l'origine, n'être présentes qu'à titre transitoire, pour des motifs économiques – on sait que l'industrie française des années 50 et 60 s'est beaucoup appuyée sur ces travailleurs extra-européens à bas coût.
De fait, se sont installées sur le territoire français des populations dont l'éloignement culturel rendait malaisée l'intégration à la communauté nationale.
Non qu'il faille idéaliser l'intégration des précédentes vagues migratoires : les Polonais, Italiens, Espagnols et Portugais qui se sont installés en France fin du XIXème et première moitié du XXème siècle ont mis des années à s'acclimater (et beaucoup sont d'ailleurs repartis vers leurs pays d'origine), et pour ce faire ont en général exercé les métiers les plus pénibles, dans l'industrie ou l'exploitation minière.
Mais, précisément, l'accueil de nouvelles populations aurait nécessité une politique volontariste, suivie et cohérente...qui ne fut jamais mise en place.
Mme SOREL-SUTTER développe dans son essai les causes de cette non-politique.
Elle en liste un certain nombre, mais il nous semble que la principale, celle dont découlent toutes les autres, est la suivante : le refus, de la part d'une majorité des élites françaises, de se considérer encore pleinement comme...Français.
La fin des grandes idéologies et la construction européenne poussèrent la majeure partie des élites européennes et françaises à se croire dans un monde hors-sol, hors-conflit et hors-histoire, dans laquelle la geste pleine de bruit et de fureur des vieux États-nations n'avait plus de raison d'être.
Pour cette raison, l'objectif n'étant désormais plus de créer des citoyens français, allemands ou italiens, rien n'était plus fait pour pousser les nouveaux venus à se sentir appartenir à une communauté nationale.
Or, ce qui ne posait pas de problème majeur pour des populations autochtones maîtrisant parfaitement les us et coutumes locales est vite devenu insurmontable pour les nouveaux venus, d'autant que le sous-texte ambiant laissait entendre que tout le monde serait plus heureux si chacun demeurait avec sa diversité et sa culture d'origine.
En somme, l'auteur démonte le mécanisme dans lequel nous nous sommes nous-mêmes pris au piège : à cause d'un irénisme coupable et d'un discours post-colonial culpabilisateur mal digéré, non seulement avons-nous laissé s'installer une population dont l'éloignement culturel et les difficultés économiques du pays auraient de toute manière rendu toute intégration malaisée, mais de surcroit nous avons mis à mal tous les facteurs susceptibles de la favoriser!
Le résultat étant selon elle accablant, puisqu'une fraction de la population, née en France, ayant toujours vécu en France, disposant d'une carte d'identité française...ne se sent pas française.
Ce qui, pour une nation qui avait su par le passé assimiler trois générations de migrants et s'enorgueillir de voir un Noir Président du Sénat dès les années 50 (Gaston MONNERVILLE en l'occurrence), est une contre-performance effarante.
Et encore! Si elle se contentait d'évoquer les question de l'intégration stricto sensu...mais elle va beaucoup plus loin!
Car poser la question de l'intégration, c'est par ricochet ouvrir toute une rangée de boîtes de Pandore : construction européenne, souveraineté nationale, système éducatif, principes politiques, racines culturelles, rôle des médias, etc...
La liste est longue, qui met en exergue une série de renoncements et de mauvaises décisions cumulés au cours des 30 ou 40 dernières années, qui finit par mettre en danger le tissu social lui-même.
L'observation qui nous semble être la plus pertinente, et partant la plus douloureuse, est celle qui en arrière-plan laisse entendre que cette situation est en somme la résultante d'une défaite de la pensée. Son ouvrage fourmille de faits qui laissent deviner une absence totale de politique cohérente en matière d'intégration, mais qui n'est elle-même que la partie visible d'une absence de politique cohérente...tout court.
Ce constat est extrêmement dérangeant, car il pose de manière aiguë les choix de gouvernement qui vont se poser aux Français dans les années qui viennent.
L'alternative semble être la suivante : soit le peuple français, vieux peuple politique qui s'est agrégé au fil des siècles autour du domaine royal, puis de la République, prend conscience de la gravité de la solution, et parvient à articuler une réponse politique crédible face aux immenses difficultés qui l'assaillent ; soit...il entre dans à plus ou moins court terme dans un inconnu ouvert à tous les dangers.
En tout état de cause, il est désormais urgent de voir les choses comme elles sont. D'élaborer une stratégie réfléchie. Et d'agir.
Bruno B.
Immigration, intégration, le langage de vérité par Malika Sorel-Sutter
« Mal poser la question, une ruse pour se mettre dans l'incapacité d'y répondre. » Louis-René des FORÊTS
Derrière un titre un peu passe-partout, Mme SOREL-SUTTER, polytechnicienne, diplômée de Sciences-Po, et à l'époque membre du Haut Conseil à l'Intégration, propose un essai pénétrant sur la question de l'intégration.
Prenant le contre-pied – parfois un peu systématiquement, si l'on devait lui en faire reproche – des clichés concernant l'immigration des dernières décennies et l'intégration subséquente, elle fournit un état de lieux solidement étayé et une pertinente analyse de la situation.
Le constat est sévère.
La politique migratoire de la France a commencé à déraper à partir des années 70, au moment de l'installation définitive de populations nord-africaines et sub-sahariennes censées, à l'origine, n'être présentes qu'à titre transitoire, pour des motifs économiques – on sait que l'industrie française des années 50 et 60 s'est beaucoup appuyée sur ces travailleurs extra-européens à bas coût.
De fait, se sont installées sur le territoire français des populations dont l'éloignement culturel rendait malaisée l'intégration à la communauté nationale.
Non qu'il faille idéaliser l'intégration des précédentes vagues migratoires : les Polonais, Italiens, Espagnols et Portugais qui se sont installés en France fin du XIXème et première moitié du XXème siècle ont mis des années à s'acclimater (et beaucoup sont d'ailleurs repartis vers leurs pays d'origine), et pour ce faire ont en général exercé les métiers les plus pénibles, dans l'industrie ou l'exploitation minière.
Mais, précisément, l'accueil de nouvelles populations aurait nécessité une politique volontariste, suivie et cohérente...qui ne fut jamais mise en place.
« Dieu se rit des hommes qui déplorent les conséquences dont ils chérissent les causes. » BOSSUET
Mme SOREL-SUTTER développe dans son essai les causes de cette non-politique.
Elle en liste un certain nombre, mais il nous semble que la principale, celle dont découlent toutes les autres, est la suivante : le refus, de la part d'une majorité des élites françaises, de se considérer encore pleinement comme...Français.
La fin des grandes idéologies et la construction européenne poussèrent la majeure partie des élites européennes et françaises à se croire dans un monde hors-sol, hors-conflit et hors-histoire, dans laquelle la geste pleine de bruit et de fureur des vieux États-nations n'avait plus de raison d'être.
Pour cette raison, l'objectif n'étant désormais plus de créer des citoyens français, allemands ou italiens, rien n'était plus fait pour pousser les nouveaux venus à se sentir appartenir à une communauté nationale.
Or, ce qui ne posait pas de problème majeur pour des populations autochtones maîtrisant parfaitement les us et coutumes locales est vite devenu insurmontable pour les nouveaux venus, d'autant que le sous-texte ambiant laissait entendre que tout le monde serait plus heureux si chacun demeurait avec sa diversité et sa culture d'origine.
En somme, l'auteur démonte le mécanisme dans lequel nous nous sommes nous-mêmes pris au piège : à cause d'un irénisme coupable et d'un discours post-colonial culpabilisateur mal digéré, non seulement avons-nous laissé s'installer une population dont l'éloignement culturel et les difficultés économiques du pays auraient de toute manière rendu toute intégration malaisée, mais de surcroit nous avons mis à mal tous les facteurs susceptibles de la favoriser!
Le résultat étant selon elle accablant, puisqu'une fraction de la population, née en France, ayant toujours vécu en France, disposant d'une carte d'identité française...ne se sent pas française.
Ce qui, pour une nation qui avait su par le passé assimiler trois générations de migrants et s'enorgueillir de voir un Noir Président du Sénat dès les années 50 (Gaston MONNERVILLE en l'occurrence), est une contre-performance effarante.
« C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal. » Hannah ARENDT.
Et encore! Si elle se contentait d'évoquer les question de l'intégration stricto sensu...mais elle va beaucoup plus loin!
Car poser la question de l'intégration, c'est par ricochet ouvrir toute une rangée de boîtes de Pandore : construction européenne, souveraineté nationale, système éducatif, principes politiques, racines culturelles, rôle des médias, etc...
La liste est longue, qui met en exergue une série de renoncements et de mauvaises décisions cumulés au cours des 30 ou 40 dernières années, qui finit par mettre en danger le tissu social lui-même.
L'observation qui nous semble être la plus pertinente, et partant la plus douloureuse, est celle qui en arrière-plan laisse entendre que cette situation est en somme la résultante d'une défaite de la pensée. Son ouvrage fourmille de faits qui laissent deviner une absence totale de politique cohérente en matière d'intégration, mais qui n'est elle-même que la partie visible d'une absence de politique cohérente...tout court.
Ce constat est extrêmement dérangeant, car il pose de manière aiguë les choix de gouvernement qui vont se poser aux Français dans les années qui viennent.
L'alternative semble être la suivante : soit le peuple français, vieux peuple politique qui s'est agrégé au fil des siècles autour du domaine royal, puis de la République, prend conscience de la gravité de la solution, et parvient à articuler une réponse politique crédible face aux immenses difficultés qui l'assaillent ; soit...il entre dans à plus ou moins court terme dans un inconnu ouvert à tous les dangers.
En tout état de cause, il est désormais urgent de voir les choses comme elles sont. D'élaborer une stratégie réfléchie. Et d'agir.
« Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l'immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. » CONFUCIUS
Bruno B.
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