Jeux vidéo : Narration et Gameplay

NÎMES OPEN GAME ART

Lors des Utopiales 2015  à Nantes, j’ai assisté à une conférence sur le jeu vidéo ayant pour thématique principale : le jeu vidéo vecteur de message.
Cette conférence, au débat riche et controversé m’a particulièrement intéressée.
Sous un titre un peu obscur, les intervenants ont très vite débattu sur le rôle et la place de la narration et de l’histoire en regard du gameplay.


Utopiales 2015

C’est pourquoi j’ai choisi de donner comme titre à cet article :

Narration et gameplay


Tout d’abord, voici quelques définitions spécifiques au jeu vidéo et un petit rappel historique pour bien situer le débat avec les discussions, polémiques, controverses que celui-ci a rapportées.
Narration : Création d’un récit, d’une histoire, conte ...
Gameplay : geste de jouer, façon dont on joue au jeu vidéo, l’expérience.


L’histoire du jeu vidéo est courte face à l'histoire des arts. Que ce soit la littérature,  le cinéma,  le graphisme, etc...

Une quarantaine d'années d'existence seulement. L’emprise très forte de l'activité commerciale a dévié la nature du jeu de son essence et de sa fonction initiale  alors que les activités ludiques existaient bien avant le commerce.

Les bases du jeu sont le divertissement. C'est à dire littéralement,  dévier, sortir les gens de la réflexion leur apporter du fun, de la joie.

Le jeu vidéo est un médium qui mobilise les sensations, le plaisir du geste, l'immersif.
Cette immersion, cette  vie à l’écran organisent le plaisir, l’engagement, la  subjectivité. C’est une expérience physique.

Le jeu vidéo comme support de communication,  comme médium, a une histoire récente.





On le comprend aisément, il reste peu de place à la narration en tant que tel même si celle-ci a pris une forme croissante dans le développement du jeu vidéo grâce à la démocratisation des techniques et la créativité de certains studios indépendants.
Quelle frustration de la part d’ Alain Damasio, auteur de SF et joueur à ses heures, lorsqu’il raconte son expérience de narrateur pour la création d’un jeu vidéo !
« Mon récit ne sert que d’appui au gameplay. Le jeu vidéo est lié à ses propres supports car le jeu, par nature, mobilise les 5 sens mais pas le "sens" en tant que "signification". Le vrai sens ne trouve pas sa place dans le jeu. Le narratif pur est en contradiction avec le gameplay, il y a hétérogénéité. Un auteur est souvent un mauvais messager dans le jeu vidéo car le message est naturellement porté par le gameplay. »

Et nous ne pouvons qu’acquiescer à ses propos quand nous même jouons.



Limbo


Le limbo



Un univers onirique où le joueur incarne un petit garçon qui essaye de trouver son chemin dans cet environnement minimaliste et un peu angoissant.

L’histoire est simple, on peut dire qu’il n’y a quasiment pas de narration. Le joueur cherche le chemin pour que ce petit garçon retrouve sa sœur, c’est tout.
Pourtant j’ai très vite oublié le récit et baignée dans cet univers, il est vrai, noir et angoissant, je me suis prise véritablement au jeu.
C’est un plaisir gestuel, émotionnel, physique que j’éprouvais.

Quand j’échouais, je reprenais aussitôt et cherchais avec mon corps la manière dont j’allais réussir à sortir le petit garçon de l’impasse où il se trouvait. Le plaisir et la joie ressentie dès qu’on avance dans le jeu est forte, complexe. C’est une véritable expérience qui n’est pas vraiment communicable.



Zelda


Evoland


Dans Evoland, on incarne un petit personnage dont la ressemblance avec Link de Zelda est troublante (Zelda est un  personnage imaginaire et le principal héros de la série de jeux vidéo The Legend of Zelda, crée par Shigeru Miyamoto). Le jeu débute sur un écran en noir et blanc, pixellisé au possible, sans la moindre bande sonore et où le héros ne se déplace que sur deux directions. Au fur et à mesure de son avancée dans le jeu, de nouvelles commandes, des musiques et des bruitages et différents types de gameplay vont s’ajouter les uns aux autres. Ces améliorations vont se débloquer petit à petit en ouvrant des malles réparties dans l’environnement.

Et là aussi l’expérience est vraiment parlante, je me suis lancée à fond dans le déplacement du personnage. Je cherchais à créer des nouveaux éléments, des nouveaux bruits. A réussir à débloquer d’autres  environnements et d’autres expériences de jeux.
Mes sens étaient en éveil, j’avoue avoir oublié le début du récit. Y en avait-il un d’ailleurs ?


C’est donc bien  la dynamique du gameplay qui questionne les supports et  est vecteur du message, du plaisir et du sens du jeu vidéo.

Les deux autres intervenants (Bastien Kerspern et Brice Roy, créateur de jeux) ont surtout voulu présenter le jeu vidéo comme un art à part entière et montrer qu’il était un médium aussi riche et porteur de sens que la littérature ou le cinéma, même si c’est un médium à la base très vidéo ludique, basé sur le plaisir, l’expérience.
Le jeu vidéo, par ses formes de divertissements, amène effectivement ailleurs et fait réfléchir car la création indépendante s’attache à transmettre un message.

Le jeu, s’il est divertissement n'en est pas moins éducatif et culturel.
La différence est la même qu'entre le cinéma et le cinéma art et essai.

Le jeu vidéo  fait passer le message par le geste.
Le Gameplay  permet plusieurs niveaux de lecture et ainsi de prendre du recul.
Il casse le normatif, propose des expériences qui ont du sens.
C’est une source novatrice, cognitive, philosophique.


Pour aller plus loin, on pourrait se demander si le degré d’interactivité du joueur donne une place plus importante ou différente à la narration ?
Quelle place réelle occupe le Game Design dans le scénario et le déroulement d’un jeu ?

A l’évidence plusieurs types de narration existent ou coexistent.


Isabelle M. bibliothécaire

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