Chostakovitch contre Staline : de la symphonie à la BD
900 jours de siège, 1 800 000 morts, tel est le terrifiant bilan d'un des sièges les plus longs de toute l'histoire : celui de la ville de Leningrad. Et pourtant, c'est aussi dans la ville assiégée que fut jouée, le 9 août 1942 la 7ème symphonie de Dimitri Chostakovitch, dite "Leningrad".
Lutte majeure nous raconte cet épisode peu connu et au delà, bien sûr, nous dépeint l'horreur de la vie quotidienne et la résistance héroïque des russes. Adapter une symphonie en BD était un sacré défi, relevé avec brio par Céka et Borris.
Le titre nous plonge déjà dans le vif du sujet, clin d’œil à la tonalité de l’œuvre "en ut majeur". La lutte, elle, c'est la lutte quotidienne de la survie (au prix du cannibalisme, parfois) et la lutte des survivants de l'orchestre de la ville pour créer une symphonie requérant une énergie toute particulière. La résistance de la ville face à l'envahisseur nazi, l'affirmation de la volonté de rester debout et digne passe aussi par la création de cette symphonie. On ne peut s'empêcher de penser aux camps de concentrations pendant le deuxième guerre mondiale, où la musique a donné à beaucoup de déportés la force de survivre et rendu leur dignité.
Le dessinateur Borris a choisi la forme de la BD animalière. "Le fait de dessiner des animaux nous a permis de nous libérer de l’historicité et de nous concentrer sur la fiction, l’émotion et le symbole que représente ce concert" s'explique-t-il. On peut cependant penser que certaines scènes passent mieux ainsi et que l'on prend une distance salutaire face à la violence des faits.
Le dessin est presque en permanence comme couvert par un voile gris, créant une atmosphère de froideur macabre.
Le scénario, loin de grandes considérations historiques générales, se concentre sur l'humain, quelques personnages clés dont les histoires personnelles rendent compte de l'Histoire. Le récit n'en est que plus profond et puissant.
Chostakovitch fut un compositeur apprécié de Staline, jusqu' à la création de son opéra Lady Mackbeth de Mtsensk. Un article assassin dans la Pravda signe sa disgrâce. Commence alors pour lui aussi une longue période de terreur, où chacune de ses œuvres pouvait le conduire à la mort. Il joue au chat et à la souris avec Staline, masquant dans sa musique de nombreux messages anti-staliniens, au nez et à la barbe du dictateur. Ainsi, dans le quatuor à cordes n°8, les trois coups d'archet répétés inlassablement tout au long de l’œuvre représentent les trois coups frappés par la police politique venant chercher chez eux, de nuit, les opposants ou les indésirables à éliminer.
La 7ème symphonie ayant eu l'honneur de plaire à Staline, elle devint rapidement très populaire et fut beaucoup jouée à l'étranger. Elle fut présentée comme l'expression de la résistance héroïque du peuple russe. Et Chostakovitch longtemps considéré comme un musicien lié corps et âme au régime stalinien. Aujourd'hui, on a beaucoup plus de recul et il est clair que le premier mouvement de la symphonie ayant été composé avant les premières attaques nazi, Chostakovitch pensait plutôt, comme il l'a précisé dans ses mémoires, à toute attaque totalitaire (et en premier lieu aux exactions du régime stalinien).
Après la guerre, il tombe de nouveau en disgrâce, accusé de "formalisme" par certains de ses confrères bien intentionnés. Il faut souligner que c'est seulement à la mort du petit Père des peuples que le compositeur pourra de nouveau s'exprimer et créer librement.
Anne
Trouver la BD à la bibliothèque
Écouter la 7ème symphonie :
dans l'excellente intégrale dirigée par Rudolf Barshai
dirigée par Eugeni Svetlanov
et aussi : un excellent documentaire de Larry Weinstein "Shostakovitch against Staline : the War symphonies"
Un concert hors du commun
Lutte majeure nous raconte cet épisode peu connu et au delà, bien sûr, nous dépeint l'horreur de la vie quotidienne et la résistance héroïque des russes. Adapter une symphonie en BD était un sacré défi, relevé avec brio par Céka et Borris.
Le titre nous plonge déjà dans le vif du sujet, clin d’œil à la tonalité de l’œuvre "en ut majeur". La lutte, elle, c'est la lutte quotidienne de la survie (au prix du cannibalisme, parfois) et la lutte des survivants de l'orchestre de la ville pour créer une symphonie requérant une énergie toute particulière. La résistance de la ville face à l'envahisseur nazi, l'affirmation de la volonté de rester debout et digne passe aussi par la création de cette symphonie. On ne peut s'empêcher de penser aux camps de concentrations pendant le deuxième guerre mondiale, où la musique a donné à beaucoup de déportés la force de survivre et rendu leur dignité.
Le dessinateur Borris a choisi la forme de la BD animalière. "Le fait de dessiner des animaux nous a permis de nous libérer de l’historicité et de nous concentrer sur la fiction, l’émotion et le symbole que représente ce concert" s'explique-t-il. On peut cependant penser que certaines scènes passent mieux ainsi et que l'on prend une distance salutaire face à la violence des faits.
Le dessin est presque en permanence comme couvert par un voile gris, créant une atmosphère de froideur macabre.
Le scénario, loin de grandes considérations historiques générales, se concentre sur l'humain, quelques personnages clés dont les histoires personnelles rendent compte de l'Histoire. Le récit n'en est que plus profond et puissant.
Un compositeur controversé
Chostakovitch fut un compositeur apprécié de Staline, jusqu' à la création de son opéra Lady Mackbeth de Mtsensk. Un article assassin dans la Pravda signe sa disgrâce. Commence alors pour lui aussi une longue période de terreur, où chacune de ses œuvres pouvait le conduire à la mort. Il joue au chat et à la souris avec Staline, masquant dans sa musique de nombreux messages anti-staliniens, au nez et à la barbe du dictateur. Ainsi, dans le quatuor à cordes n°8, les trois coups d'archet répétés inlassablement tout au long de l’œuvre représentent les trois coups frappés par la police politique venant chercher chez eux, de nuit, les opposants ou les indésirables à éliminer.
Après la guerre, il tombe de nouveau en disgrâce, accusé de "formalisme" par certains de ses confrères bien intentionnés. Il faut souligner que c'est seulement à la mort du petit Père des peuples que le compositeur pourra de nouveau s'exprimer et créer librement.
Anne
Trouver la BD à la bibliothèque
Écouter la 7ème symphonie :
dans l'excellente intégrale dirigée par Rudolf Barshai
dirigée par Eugeni Svetlanov
et aussi : un excellent documentaire de Larry Weinstein "Shostakovitch against Staline : the War symphonies"




