« Croix de fer », de Sam PECKINPAH
Violent, nihiliste, désespéré : « Croix de fer », de Sam Peckinpah, demeure un des plus grands films de guerre de tous les temps.
« La Peau des hommes », roman écrit par Willi Heinrich
Adapté au cinéma sous le titre « Croix de fer » par Sam Peckinpah
1977 : depuis quelques années, un Hollywood un peu en roue libre laissait la bride sur le cou à une nouvelle génération d’auteurs brillants et rebelles. Mais même au sein de cette « horde sauvage », Sam Peckinpah était vraiment, complètement, définitivement à part.
Dès le début des années 60, « Coups de feu dans la sierra » avait donné le ton : un mélange de brutalité extrême, de sensibilité à fleur de peau et d’anticonformisme radical qui secouait sérieusement un Hollywood en voie de naphtalisation avancée.
Peckinpah avait poursuivi sur sa lancée, oscillant entre violence (« La horde sauvage », 1969) mélancolie (« Junior Bonner » 1972) et nihilisme (« Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia »…tout un programme !), durcissant un peu plus son propos à chaque film.
1977 : il aboutit à ce qui fut artistiquement son champ du cygne : « Croix de fer ».
Le film est l'adaptation de « La Peau des hommes », de Willi Heinrich, roman allemand publié en 1956. L’action, entièrement vue du côté allemand, se déroule en 1943 sur le front russe.
Dans un contexte de reflux progressif des troupes nazies vers l’ouest après la défaite de Stalingrad, l’histoire se focalise sur le conflit entre le capitaine Stransky, carriériste suintant l’infâmie jusqu’au bout de son (impeccable) casquette, et le sergent Steiner, un sous-officier chevronné responsable d’une unité d’élite.
L’objectif obsessionnel du premier est de gagner ce dont l’héritier d’une prestigieuse famille prussienne ne saurait se passer, et pour lequel il est prêt à gaillardement sacrifier toute la Wehrmacht si nécessaire : une croix de fer. Ambition pour laquelle le sergent Steiner, lui-même bardé de décorations, n’éprouve qu’un mépris obsidional.
Évidemment, comme vous pouvez vous en douter, ça va très, très mal se terminer…
1977 : le cinéma américain s’était durci. Les films ne présentaient plus un univers de carton-pâte dont le héros semblait prêt à entamer un défilé de mode même au sortir d’une fusillade. Les années 70 montraient désormais la saleté, le sexe, la violence. La guerre elle-même apparaissait pour ce qu’elle était réellement : une horreur.
Et pourtant!
Jamais encore on n'était allé aussi loin dans le spectacle de la déshumanisation qu'elle provoque – et, pour tout dire, on n'est peut-être jamais allé plus loin depuis.
« Croix de fer » est le film de la fin de l'héroïsme.
La guerre est réduite à un simple squelette, une pantomime cruelle et grotesque de corps déchiquetés par les balles, dont toute grandeur est définitivement bannie.
Les combattants ne peuvent plus s'appuyer sur rien : Dieu est mort, les idéologies ont été pulvérisées sous les chenilles des chars d'assaut, la patrie s'est métamorphosée en contrée hostile, l'amour est dénué de sens, et la vie elle-même s'est réduite en une boucherie hystérique.
Ne restent alors que des fauves à l'instinct de survie atrophié, ne se battant plus que par réflexe, tuant et déchiquetant sans merci jusqu'à ce qu'ils soient abattus à leur tour.
Dans cet environnement dantesque, où le vainqueur du jour n'est qu'un cadavre qui s'ignore, les quelques lambeaux d'humanité dont on se drape encore parfois font juste ressortir plus cruellement à quel point on est devenu une simple machine à tuer.
Le rire démentiel du sergent Steiner, qui clôt le film, n'est rien d'autre que l'exhalation de haine pure d'un tueur qui lance son dernier défi à un univers devenu fou.
Le résultat est suffoquant. Littéralement. Il est peu d'exemples d’œuvres aussi jusqu'au-boutistes. Peckinpah est sans doute celui qui a mené le processus de déshéroïsation propre aux années 70 jusqu'à son point de rupture, celui où tout disparaît dans une explosion de nihilisme apocalyptique.
En fait, il était sans doute impossible d'aller plus loin dans la démarche, d'autant qu'elle était intimement liée à la personnalité propre de Peckinpah.
1977 : la même année sortait « Star Wars », l'antithèse presque totale de « Croix de fer », et qui annonçait le début d'une nouvelle ère dans lequel un loup solitaire comme Peckinpah n'aurait plus aucune place.
1977 : avec « Croix de fer », il vomissait à la face d'un public sidéré sa vision personnelle, mélange du « no future » du punk naissant et de « L'Enfer » de Dante, ce qu'il pensait du monde qui était en train de se construire sous ses yeux : AUCUN ESPOIR.
Bruno
« La Peau des hommes », roman écrit par Willi Heinrich
Adapté au cinéma sous le titre « Croix de fer » par Sam Peckinpah
1977 : depuis quelques années, un Hollywood un peu en roue libre laissait la bride sur le cou à une nouvelle génération d’auteurs brillants et rebelles. Mais même au sein de cette « horde sauvage », Sam Peckinpah était vraiment, complètement, définitivement à part.
Dès le début des années 60, « Coups de feu dans la sierra » avait donné le ton : un mélange de brutalité extrême, de sensibilité à fleur de peau et d’anticonformisme radical qui secouait sérieusement un Hollywood en voie de naphtalisation avancée.
Peckinpah avait poursuivi sur sa lancée, oscillant entre violence (« La horde sauvage », 1969) mélancolie (« Junior Bonner » 1972) et nihilisme (« Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia »…tout un programme !), durcissant un peu plus son propos à chaque film.
1977 : il aboutit à ce qui fut artistiquement son champ du cygne : « Croix de fer ».
« Au cœur des ténèbres »
Le film est l'adaptation de « La Peau des hommes », de Willi Heinrich, roman allemand publié en 1956. L’action, entièrement vue du côté allemand, se déroule en 1943 sur le front russe.
Dans un contexte de reflux progressif des troupes nazies vers l’ouest après la défaite de Stalingrad, l’histoire se focalise sur le conflit entre le capitaine Stransky, carriériste suintant l’infâmie jusqu’au bout de son (impeccable) casquette, et le sergent Steiner, un sous-officier chevronné responsable d’une unité d’élite.
L’objectif obsessionnel du premier est de gagner ce dont l’héritier d’une prestigieuse famille prussienne ne saurait se passer, et pour lequel il est prêt à gaillardement sacrifier toute la Wehrmacht si nécessaire : une croix de fer. Ambition pour laquelle le sergent Steiner, lui-même bardé de décorations, n’éprouve qu’un mépris obsidional.
Évidemment, comme vous pouvez vous en douter, ça va très, très mal se terminer…
« We don’t need another hero ! »
1977 : le cinéma américain s’était durci. Les films ne présentaient plus un univers de carton-pâte dont le héros semblait prêt à entamer un défilé de mode même au sortir d’une fusillade. Les années 70 montraient désormais la saleté, le sexe, la violence. La guerre elle-même apparaissait pour ce qu’elle était réellement : une horreur.
Et pourtant!
Jamais encore on n'était allé aussi loin dans le spectacle de la déshumanisation qu'elle provoque – et, pour tout dire, on n'est peut-être jamais allé plus loin depuis.
« Croix de fer » est le film de la fin de l'héroïsme.
La guerre est réduite à un simple squelette, une pantomime cruelle et grotesque de corps déchiquetés par les balles, dont toute grandeur est définitivement bannie.
Les combattants ne peuvent plus s'appuyer sur rien : Dieu est mort, les idéologies ont été pulvérisées sous les chenilles des chars d'assaut, la patrie s'est métamorphosée en contrée hostile, l'amour est dénué de sens, et la vie elle-même s'est réduite en une boucherie hystérique.
Ne restent alors que des fauves à l'instinct de survie atrophié, ne se battant plus que par réflexe, tuant et déchiquetant sans merci jusqu'à ce qu'ils soient abattus à leur tour.
Dans cet environnement dantesque, où le vainqueur du jour n'est qu'un cadavre qui s'ignore, les quelques lambeaux d'humanité dont on se drape encore parfois font juste ressortir plus cruellement à quel point on est devenu une simple machine à tuer.
Le rire démentiel du sergent Steiner, qui clôt le film, n'est rien d'autre que l'exhalation de haine pure d'un tueur qui lance son dernier défi à un univers devenu fou.
« The Times They are a Changing »
Le résultat est suffoquant. Littéralement. Il est peu d'exemples d’œuvres aussi jusqu'au-boutistes. Peckinpah est sans doute celui qui a mené le processus de déshéroïsation propre aux années 70 jusqu'à son point de rupture, celui où tout disparaît dans une explosion de nihilisme apocalyptique.
En fait, il était sans doute impossible d'aller plus loin dans la démarche, d'autant qu'elle était intimement liée à la personnalité propre de Peckinpah.
1977 : la même année sortait « Star Wars », l'antithèse presque totale de « Croix de fer », et qui annonçait le début d'une nouvelle ère dans lequel un loup solitaire comme Peckinpah n'aurait plus aucune place.
1977 : avec « Croix de fer », il vomissait à la face d'un public sidéré sa vision personnelle, mélange du « no future » du punk naissant et de « L'Enfer » de Dante, ce qu'il pensait du monde qui était en train de se construire sous ses yeux : AUCUN ESPOIR.
Bruno
Le film de guerre par excellence. Un réalisateur que l'on a trop souvent tendance à reléguer dans les cachots hollywoodiens. Prenez le temps de redécouvrir la filmo de Sam Peckinpah.
RépondreSupprimerUn excellent article que l'on savoure avec plaisir.
Cédric