Dans la vallée de l'ombre et de la mort : Le Survivant

Il est de ces histoires qui changent le cours d'une vie. Celle d'une confrontation physique, brutale et intense dont le pronostic vital fait partie intégrante de l'équation d'une vie. Marcus a survécu. Mais quelque chose est mort en lui. Une forme de déshumanisation...




Roman de Marcus Luttrell
Adapté au cinéma par Peter Berg

Ecole de guerriers

Le Survivant n'est pas un roman quelconque, c'est le témoignage d'un homme. A bien y regarder, c'est le résultat d'une rencontre entre deux mondes. Marcus Lutrell, membre du corps d'élite "SEALS", texan pur souche, au patriotisme à fleur de peau, va voir son existence basculer lorsque une mission de neutralisation d'un chef taliban tourne au fiasco. Dans les montagnes inhospitalières de l'Hindou Kouch, entre le Pakistan et l'Afghanistan, rien ne pouvait préparer Marcus et ses compagnons à ce qui allait leur arriver.  

On pourrait se dire qu'aller chercher un dangereux chef taliban fortement armé dans un pays étranger relève de la démence suicidaire. Ce qui serait vrai pour le commun des mortels. Et la où le roman est passionnant ( presque la moitié est consacrée aux épreuves de sélection), c'est qu'il décrit avec passion et conviction l'animal particulier qu'est le SEAL. Une unité d'élite plus difficile à intégrer que la faculté de droit de Harvard car les épreuves de sélections sont éprouvantes, physiquement et psychologiquement, pour toute personne qui n'est pas prête à laisser son individualisme au vestiaire. Brutalité sans nom, programme d'instruction intense, déconstruction de l'individu, détection des faiblesses, avec comme objectif premier : éviter la compromission de l'équipe

Cette détermination quasi frénétique peut sembler extrême surtout si l'on n'adhère pas philosophiquement à la doctrine officielle des Navy Seals : "L'accomplissement de mon devoir sera rapide et violent lorsqu'il le faudra, il sera guidé par les principes même que je sers et je défends. Avec l'héritage de mes camarades, je n'échouerais pas".

 

Film guerrier violent et éprouvant

Comme dans le Royaume qu'il réalise en 2007, Peter Berg nous assène unuppercut en pleine figure. Ici pas de justification patriotiqueoutrancière sur l'engagement US en Afghanistan. Ce n'est pas le propos.Mais dans ce genre d'exercice cinématographique, le malentendu peut vites'installer. Certains y verront sans doute une propagande hollywoodienne agressive saupoudrée de sentimentalisme. Peut-être ?

Du Sang et des Larmes fait abstraction de la dimension politique duconflit afghan pour mieux se concentrer sur les motivations ducombattant. Des scènes de guerre éprouvantes aux antipodes de la guerretechnologique et de ses frappes chirurgicales. Une fois dans la ligne demire, la poudre parle et la chair souffre. Entre art de la guerre et psychologie de la violence, Peter Berg nous plonge dans l'enfer sur terre.On est plus proche de l'univers violent de Sam Peckinpah que des productions insipides version Call of duty. On voudrait presque abréger leur souffrance, tant leur calvaire est insoutenable.
 
 
Même si le film emprunte quelques raccourcis scénaristiques, la deuxième partie du film est électrisante.Un combat à mort sans pitié s'engage entre des talibans déterminés et l'équipe des SEALS prête à vendre leur peau chèrement.

 

Une lutte à mort

La richesse du roman, que l'on ne retrouve pas à l'écran se traduit dans la manière dont Marcus a réussit à nous faire ressentir le vrai chemin de croix qu'ils ont emprunté. En tentant d'échapper à une mort certaine, le salut passera par une chute dans le vide. A travers ce périple meurtrier et sanglant, Marcus se raccroche à une foi indéfectible presque mystique. Il continue à combattre seul à l'inverse de tout ce qu'il avait appris Une force guidée par l'obligation de rester en vie pour témoigner. Une communion sur laquelle il revient avec humour lorsqu'il explique que sa dégringolade de la montage lui aurait valu le Grand Prix de l'Hindou Crash décerné au sherpa Marcus le Bancal..

 

Lokhay warkawal

Et comme dans toutes les aventures humaines, le salut le plus innatendu provient de l'autre, celui que l'on ne connait pas. Et ici, c'est une des règles inflexibles des loi tribales et ancestrales du pachtounwali, le lokhay warkawal, qui va profondément modifier le regard de Marcus sur ces "ennemis".


Offrir le gîte, l'assistance à l'homme blessé quelques en soit les conséquences pour soi ou le clan. Pour nos yeux d'occidentaux, cela peut sembler désuet surtout si l'on prend en compte les ramifications entre les talibans, Al-Qaida et le peuple pachtoun. Mais c'est bien une forme d'altruisme que l'on retrouve à la fois dans le lien qui unit les quatre soldats dans le combat et la décision de Gulab et des villageois de protéger Marcus quelqu' en soit le prix à payer.

Si le roman remporte les suffrages, le film fonctionne plutôt bien car il s'agit là d'un film de guerre dramatique, honnête, sans prétention qui a le mérite de donner une autre audience à cette aventure humaine hors du commun.

Alors, n'hésitez pas à y jeter un coup d'oeil, bienveillant.

 

Dans le silence de l'Indou Kouch

Ne vous y méprenez pas, Lone Survivor n'est pas un énième score où les violons viendront vous faire bourdonner les oreilles. Non, car Explosions in the Sky injecte toute l'émotion sonore d'une discographie post-rock 100% texane. La participation de Steve Jablonsky est là pour renforcer les scènes d'actions en apportant une touche sonore enveloppante à chaque morceau.

De la même manière qu'ils avaient réussi à capter le sentiment d'isolement dans Prince Avalanche de David Gordon Green, ils nous font ressentir, au travers des scènes les plus saisissantes du film, toute une palette de sentiment : l'agression, la peur, le courage et la disparition. Un piano menaçant sur "Checkpoints", des réverbérations abyssales pour "Axe" et des percussions haletantes dans "False summit" pour ne citer que ceux-là.

Une partition particulièrement soignée pour ce genre de film.   


Cédric

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