Hunger Games : du pain et des enjeux

Une saga de Science-fiction, qui se déroule dans une Amérique post-apocalyptique organisant des jeux retransmis en direct où des gamins de 12 à 18 ans s'étripent pour le bon plaisir de l'élite du Capitole. Le second volet, une réussite, est au cinéma en ce moment.


Un bon exemple de littérature jeunesse


Autant le dire tout de suite, Hunger Games, c'est bien. C'est même très bien, une sorte de Harry Potter mâtiné de Battle Royale, de Prix du Danger et de 1984.

La trilogie de Suzanne Collins est un excellent exemple des qualités que l'on peut trouver dans la littérature jeunesse : une héroïne bien campée, des images évocatrices, un propos de fond intéressant sans être moralisateur, mais surtout un vrai plaisir de lecture.

Si vous êtes amoureux d'une langue littéraire, complexe et riche vous resterez peut-être sur votre faim. Pourtant, le style de Suzanne Collins est d'une efficacité redoutable, raconté à la première personne avec des phrases courtes et incisives, l’écriture est immersive et nous fait ressentir avec une acuité douloureuse des sensations comme la faim ou le danger.

Sans compter que, à l’instar d’Harry Potter, le ton se durcit de livre en livre. D'ailleurs, le dernier volet explore les conséquences psychologiques des événements précédents et remet en perspective la notion de héros révolutionnaire, médiatisé par des outils de propagande et de manipulation des masses.

Ancrage mythologique et décadence Romaine


La référence est évidente. Le concept des Jeux de la Faim puise ses racines dans le mythe de Thésée et du Minotaure : des enfants offerts en tribut pour maintenir l’ordre dans les districts et pour que le peuple n’oublie jamais le prix de la rébellion, la stratégie de séduction pour se sortir vivant des jeux (et s'attirer les faveurs de la plèbe et des sponsors)…

D'ailleurs, toute la trilogie baigne dans les références Grecques et surtout Romaines : l'Amérique du Nord s'appelle désormais Panem et organise des jeux du cirque, dans lesquels elle fait parader les tributs sur des chars avant qu'ils ne se battent à mort dans une arène.

Sans oublier le Capitole, peuplé d’êtres androgynes, obsédés par les apparences, aux coiffures improbables. Des gens superficiels, repus, blasés, ivres de confort et d’orgies, dans une opulence fastueuse, kitsch et dénuée de sens. Bref, la Rome de la décadence.

La broche de Katniss

Un premier opus cinématographique réussi bien qu'édulcoré


Une chose était certaine pour l'adaptation cinématographique de la saga : impossible de représenter telle quelle la violence des livres. Ce qui passe à l’écrit n’est plus possible dans le cadre d’un film qui n’est pas interdit aux moins de 16 ou 18 ans.

Aussi, l’intérêt du film n’est pas dans l’ultra violence, mais plutôt dans la mise en scène de la mort. C'est glauque non pas parce que c'est gore, mais parce qu'il y a tout un décorum brillant autour de la mort d'adolescents en direct.

Quand à la distribution, l’oscarisée Jennifer Lawrence est étonnante dans le rôle principal et Josh Hutcherson est parfait en Peeta, garçon gentil, un brin falot. Au niveau des seconds rôles c’est l’extase, Lenny Kravitz est mémorable, Donald Sutherland impérial.

On peut quand même regretter que le film ne soit pas plus dur. Certains détails manquent cruellement : dans l’arène Katniss semble s’en sortir relativement facilement, alors que dans le livre chaque moment est une lutte, rien que pour ne pas mourir de soif.

Un second volet solide et cohérent


Le deuxième opus est dans la même lignée, tout en étant plus sombre et réaliste.

Le discours politique entamé dans le premier opus est approfondi par Francis Lawrence qui succède à Gary Ross derrière la camera. Le scénario, très fidèle au livre, analyse et démonte les coulisses de la médiatisation, de l’exercice du pouvoir et de l’influence des médias.

Katniss, objet de propagande malgré elle, est trimbalée pendant tout le film, manipulée par tous, sans jamais maîtriser ce qui lui arrive, elle hésite constamment entre colère et rébellion. Un personnage puissant, fragile et émouvant, porté à merveille par Jennifer Lawrence, la nouvelle coqueluche d’Hollywood.

Katniss Everdeen

La réalisation fait preuve d’un classicisme bon teint, sans folie, mais très efficace, qui sert bien son propos. Francis Lawrence sait s’effacer derrière l’histoire qu’il met en scène et n’abuse pas d’artifice à la mode (caméra branlante, montage épileptique…)

Un film de 2H30 maîtrisé de bout en bout, qui confirme que Hunger Games surclasse largement les autres blockbusters pour ado qui envahissent les écrans depuis quelques années.

Enfin, au milieu des grosses machines à plus de 200 millions de dollars, des films (comparativement) plus modestes comme ces Hunger Games (78 millions de budget pour le premier volet, 120 millions pour le second) me paraissent être une assez bonne réponse aux prédictions funestes deSteven Spielberg et Georges Lucas.

Hunger Games : l'embrasement est en salles en ce moment, c'est un immanquable, avant de (re)lire les livres et en attendant la suite qui sera découpée en deux films.

Nicolas



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